Le casse-tête des délais et des procédures collectives

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marie duverne-hanachowicz45 jours, 1 mois, 5 ans, 10 ans… autant de délais à respecter et à connaître pour les dirigeants d’entreprises qui font face à une entreprise en difficulté. Mais comment mémoriser des délais qui, aussi primordiaux soient-ils, ne cessent de se multiplier ?

Marie Duverne-Hanachowicz, avocat associé chez Lamy Lexel, nous propose un tour d’horizon des principaux délais à avoir en tête afin d’y voir un peu plus clair.

 

Quels sont les délais à respecter pour déclarer une créance en matière de procédures collectives ?

La déclaration de créances est une formalité obligatoire pour les créanciers d'un débiteur qui fait l'objet d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), afin de pouvoir prétendre au règlement des sommes qui leur sont dues.

La déclaration doit intervenir dans les deux mois suivant la publication du jugement d'ouverture au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales). Ce délai est porté à quatre mois pour les créanciers domiciliés à l’étranger.

Doivent ainsi être déclarées dans ce délai :
- les créances nées avant l’ouverture de la procédure,
- les créances nées après l’ouverture de la procédure si elles portent sur des contrats à exécution successive (loyer, gaz, électricité…).

Ce délai de deux mois court à compter de la date d’exigibilité de la créance.

Pour les créanciers bénéficiant de sûretés (gage, hypothèque, etc.) ou d'un contrat ayant fait l'objet de publicité, le délai de déclaration commence à partir de l’avis qui leur est adressé.

Un créancier qui n'a pas fait sa déclaration dans les délais ne peut plus faire valoir ses droits pendant la durée de la procédure. Autrement dit, sa créance ne peut pas être prise en compte au passif de la procédure collective : il ne pourra donc pas participer aux distributions de fonds qui pourraient intervenir. On dit alors qu’il est forclos.

Le créancier forclos peut demander au tribunal d'être relevé de la forclusion s'il justifie que le retard n'est pas de son fait (par exemple une hospitalisation) ou est imputable au débiteur. Il doit alors adresser une requête au juge-commissaire.

La requête sera acceptée par le juge si :
- elle intervient dans les six mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, ce délai étant porté à un an pour les créanciers titulaires de sûretés publiées, ou placées dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité,
- le créancier parvient à apporter la preuve que la non-déclaration dans les délais légaux n’est pas de son fait ou est due à une omission volontaire du débiteur lors de la remise de la liste des créanciers.

Cependant, si le créancier ne parvient pas à se faire relever de sa forclusion, sa créance n’est pas entièrement éteinte. Il pourra toujours poursuivre la caution (notamment de son locataire), laquelle ne pourra pas invoquer une déclaration tardive ou une omission pour prétendre se décharger de ses engagements.

En effet, depuis un arrêt du 12 juillet 2011 marquant un revirement de jurisprudence, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère que le défaut de déclaration de créance ne constitue plus une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer au créancier pour être libérée de son engagement, en application de l’article L122-6 du Code de commerce.

De même, il pourra à nouveau déclarer cette même créance dans une nouvelle procédure collective.

Dans quels délais doit-on déclarer un état de cessation des paiements ?

Lorsqu'une entreprise se trouve en situation de cessation des paiements (quand elle est dans l'impossibilité de régler ses dettes avec son actif disponible), elle doit effectuer une déclaration de cessation des paiements auprès du Tribunal de commerce ou du Tribunal de grande instance.

La déclaration de cessation des paiements doit être déposée, dans un délai maximum de 45 jours suivant la date de cessation des paiements, c’est-à-dire suivant la survenance de l’impossibilité de payer :
- au greffe du Tribunal de commerce (pour un commerçant ou artisan),
- au greffe du Tribunal de grande instance (dans les autres cas) du lieu du siège de l'entreprise.

Seul le représentant légal de l'entreprise est habilité à effectuer une déclaration de cessation de paiements. Il peut se faire remplacer par la personne de son choix, qui doit être munie d'un pouvoir spécialement établi à cet effet.

En l'absence de déclaration, le dirigeant ou le débiteur-personne physique encourt des sanctions, notamment une interdiction de gérer.

Dans quel délai peut-on faire valoir une clause de revendication de marchandise ?

L'action en revendication permet au créancier d'une entreprise en difficulté de revendiquer un bien lui appartenant et vendu avec clause de réserve de propriété, qui se trouve entre les mains du débiteur.

Depuis une réforme de 1994, la procédure de revendication de marchandises en présence d’une clause de réserve de propriété se déroule en deux phases : une phase extrajudiciaire et une phase judiciaire.

La première phase, obligatoire : elle consiste en une demande en revendication adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur ou, à défaut, au représentant des créanciers ou au liquidateur. Cette demande doit être faite dans les trois mois de la publication au BODACC du jugement ouvrant la procédure collective. Cette demande peut être faite même en l’absence de déclaration de créance.

Deuxième phase : à défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire. Cette demande doit être effectuée dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse du mandataire. Le non-respect par le propriétaire du délai entraîne la forclusion de la demande en revendication.

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Marie DUVERNE-HANACHOWICZ, Avocat Associé, Lamy Lexel


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