Un an et demi après le début de la crise sanitaire, les regards croisés d'une directrice juridique, d'un directeur des ressources humaines et d'un avocat.
Dans le cadre de la 9ème édition des Débats du Cercle, qui se sont tenus le mercredi 8 septembre à Paris, un atelier a permis d'analyser en quoi les adaptations du droit du travail imposées par la pandémie de Covid-19 sont en train de bouleverser le rôle des directeurs juridiques.
De la sidération à l'adaptation
Denis Langlois, Vice président Human Ressources, Europcar Mobility Group, se souvient du moment où les DRH se sont « retrouvés, du jour au lendemain, face à une absence de norme ».
Un certain nombre de changements de comportements induits par la crise sanitaire n'étaient en effet pas prévus dans le droit du travail, en particulier l'accélération de la dématérialisation des instances représentatives du personnel et du télétravail.
Il a donc fallu participer la création de ces normes… mais dans quelle mesure ? Pour Julien Haure, Associé, Mayer Brown, le télétravail a été « l'exemple le plus emblématique de la dérive normative qu'a entraîné la crise sanitaire ». Il a en effet été imposé aux employeurs par le protocole sanitaire édicté en mai 2020 en s'appuyant sur l'obligation de sécurité qui s'impose à l'employeur dans le code du travail.
« L'impossible est devenu possible »
Au-delà des normes, Bénédicte Wautelet, Directrice Juridique, Groupe Le Figaro, Vice présidente du Cercle Montesquieu, met l'accent sur la souplesse dont ont dû faire preuve tout autant les DRH, les directeurs juridiques et les avocats. A commencer par le fait que chacun a dû apprendre à télétravailler tout en maintenant un lien social avec les collaborateurs. Ainsi, « l'impossible est devenu possible », constate Denis Langlois.
Les trois professionnels s'accordent sur le fait que cette (re)découverte du télétravail a induit un changement des mentalités. Oui, on peut télétravailler et être productif, confirme Julien Haure.
Ils partagent également leur vision de l'évolution du rôle des directions juridiques, marquée en particulier par la gestion du risque.
Le directeur juridique au centre de l'échiquier
La crise a ainsi été un amplificateur voire un révélateur du rôle moteur du directeur juridique, bien au-delà d'une simple « fonction support », observe Bénédicte Wautelet.
Face au désarroi des dirigeants confrontés à l'incertitude et à des vides juridiques dans le domaine du social, les directeurs juridiques, tout comme les DRH, ont vu leur rôle de conseil accru depuis le début de la crise sanitaire, renchérit Denis Langlois. Habitués à travailler sur des normes, ils ont dû parfois se confronter à des questions morales et éthiques.
« Cette crise a eu le mérite de remettre l'humain au centre »
Faisant preuve de la souplesse chère à Bénédicte Wautelet, le directeur juridique est amené à « concilier des univers juridiques antagonistes », analyse Julien Haure, prenant pour exemple certaines problématiques soulevées par le télétravail, comme les risques psychosociaux ou le droit à la déconnexion.
Il s'agit désormais de miser sur le dialogue social, collaborer plus que jamais avec les ressources humaines et faire du « sur-mesure »… tout en acceptant le droit à l'erreur.
Pascale Breton