Les règles de la propriété littéraire et artistique et de la propriété industrielle organisent des monopoles au profit des titulaires de droits (droits d’auteur, droits à titre de marque, de dessins et modèles ou de brevet) leur permettant d’interdire, en particulier à leurs concurrents, d’empiéter sur leurs droits exclusifs d’exploitation.
Par Corinne Champagner Katz et Richard Willemant – CCK Avocats
Mais ce corpus juridique comprend également certains mécanismes – souvent méconnus – qui organisent une forme d’« oligopole de partenariat » permettant le rapprochement d’entreprises qui souhaitent renforcer leur visibilité, leur compétitivité et leur profitabilité en adoptant une stratégie commune.
Les marques collectives constituent l’un de ces outils que le droit de la propriété intellectuelle met au service des partenariats d’entreprises.
Elles sont souvent appelées « labels » en langage courant, bien que ce terme corresponde stricto sensu aux signes d'identification de produits agricoles, forestiers, alimentaires ou de la mer qui sont réglementés par le code de la consommation et par le code rural et de la pêche maritime, comme par exemple le très connu « label rouge ».
Il convient également de les distinguer des autres « labels » qui sont mis en place dans un cadre strictement contractuel entre membres d’un même groupement qui s’engagent vis à vis des consommateurs sur la qualité de leurs produits ou de leur services, en dehors de toute certification des produits et des services dans les conditions prévues par la loi. Ce type de « labellisation » est généralement admis, sous réserve que des contrôles effectifs soient mis en place afin de garantir la conformité annoncée et à condition que ces labels n’induisent pas une confusion dans l’esprit des consommateurs avec une véritable certification.
Le Code de la propriété intellectuelle prévoit deux types de marques collectives : la marque collective simple et la marque collective de certification.
La nature « collective » de la marque ne signifie par que cette marque serait nécessairement détenue en copropriété par plusieurs titulaires. Comme les marques simples, les marques collectives peuvent n’avoir qu’un seul propriétaire ou plusieurs titulaires en indivision.
Ces deux marques particulières peuvent constituer l’objet d’une stratégie commune d’entreprises qui choisissent de se regrouper pour utiliser un signe distinctif commun soumis à des règles d’utilisation uniformes. L’objectif d’un tel partenariat est d’offrir aux consommateurs une garantie sur l’origine commune de produits ou services et/ou une garantie de conformité des produits ou services à un référentiel ou à une norme.
La marque collective simple est soumise au droit commun des marques. Elle a ainsi pour fonction de garantir l’origine de produits ou services, en indiquant aux consommateurs que ces produits ou services proviennent de professionnels appartenant à une même organisation et adhérant au même référentiel (ou norme), ce qui la distingue de la marque individuelle.
Elle est définie au premier alinéa de l’article L.715-1 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle : « La marque est dite collective lorsqu'elle peut être exploitée par toute personne respectant un règlement d'usage établi par le titulaire de l'enregistrement ».
Ce règlement d’usage doit prévoir les conditions dans lesquelles la marque peut être utilisée. Il est soumis à l’adhésion de l’ensemble des membres du groupement souhaitant utiliser la marque.
La marque collective de certification a, quant à elle, outre la fonction de garantie d’origine, une fonction de protection des consommateurs en offrant une garantie de conformité des produits ou services revêtus de la marque par rapport à certaines caractéristiques spécifiques proposées par celle-ci.
L’article 715-1 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle définit la marque collective de certification comme la marque « appliquée au produit ou au service qui présente notamment, quant à sa nature, ses propriétés ou ses qualités, des caractères précisés dans son règlement ».
Le régime de la marque collective de certification est prévu par l’article L.715-2 du Code de la propriété intellectuelle. Il diffère du régime de la marque individuelle et de la marque collective simple.
L’enregistrement d’une marque collective de certification est soumis aux règles du droit commun de l’enregistrement des marques, outre un certain nombre de règles particulières prévues par les articles L.715-2 et L. 715-3 du code de la propriété intellectuelle, dont le non respect est sanctionné par la nullité absolue de la marque, à savoir :
- une telle marque ne peut être déposée que par une personne morale qui n'est ni fabricant, ni importateur, ni vendeur des produits ou services ;
- son dépôt doit comprendre un règlement déterminant les conditions auxquelles est subordonné l'usage de la marque. Ce règlement d’usage fixe les conditions dans lesquelles les entreprises partenaires sont autorisées à faire usage de ces marques collectives. Ce règlement doit d’ailleurs être partie intégrante du dépôt de la marque collective de certification . Celui-ci constitue un véritable cahier des charges porté à la connaissance, d’une part, des professionnels qui feront usage de la marque et, d’autre part, des consommateurs qui bénéficient de la garantie conférée par la marque.
- la demande d'enregistrement d’une telle marque doit satisfaire aux conditions fixées par la législation applicable à la certification prévue par les articles L. 115-27 et suivants du Code de la consommation .
Cette dernière condition suppose que le déposant ait la qualité d’organisme certificateur.
La certification peut être définie comme une procédure par laquelle un organisme certificateur examine un produit ou un service au regard d’une norme ou d’un référentiel, en vue de certifier la conformité dudit produit ou service à cette norme ou à ce référentiel.
L’article L. 115-27 alinéa 1er du Code de la consommation prévoit en effet que : « constitue une certification de produit ou de service (…) l'activité par laquelle un organisme, distinct du fabricant, de l'importateur, du vendeur, du prestataire ou du client, atteste qu'un produit, un service ou une combinaison de produits et de services est conforme à des caractéristiques décrites dans un référentiel de certification ».
Le référentiel de certification est un document technique définissant les caractéristiques que doit présenter un produit et les modalités de contrôle de la conformité à ces caractéristiques.
La finalité de la procédure de certification est d’offrir aux consommateurs une garantie de qualité du produit certifié conforme.
La procédure de certification s’apparente donc au mécanisme de contrôle précité qui s’impose dans le cadre de la marque collective de certification et avec lequel elle se confond.
L’article L115-28 du Code de la consommation prévoit que la procédure de certification ne peut être mise en œuvre que par un organisme qui bénéficie d'une accréditation délivrée par l'instance nationale d'accréditation, qui en France est la COFRAC .
Néanmoins, un organisme certificateur non encore accrédité peut effectuer des certifications de produits ou de services, pendant un délai d’un an maximum, dès lors qu'il a déposé une demande d'accréditation et que la COFRAC a admis la recevabilité de cette demande.
La procédure d’accréditation conduite par la COFRAC a pour objet de vérifier la compétence technique de l’organisme certificateur, son impartialité et son indépendance, outre sa conformité aux normes en vigueur, comme la norme NF EN 45011 portant sur les exigences générales relatives aux organismes procédant à la certification de produits.
Le régime juridique applicable à la marque collective de certification montre encore la spécificité de ce type de marque lorsqu’on constate que ce type de marque ne peut faire l’objet d’aucun gage, ni d’aucune mesure d’exécution forcée, ni même d’aucune cession, sauf dans le cas particulier de dissolution de la personne morale qui en était propriétaire.
En outre, lorsqu’une telle marque cesse d’être protégée elle ne peut être ni déposée ni utilisée à un titre quelconque pendant dix ans.
En ce qui concerne l’exploitation d’une marque collective de certification, le régime juridique est celui d’une marque « ouverte » mais sous contrôle.
En effet, il existe un principe essentiel selon lequel la marque collective de certification peut être utilisée par tout professionnel, à l’exclusion du titulaire de la marque, qui fournit des produits ou des services qui répondent aux exigences imposée par le règlement d’usage établi par le titulaire de la marque. Il s’agit en quelque sorte d’une règle « d’égalité devant la marque » puisque tout personne peut licitement faire usage de la marque et l’apposer sur ses produits, sous réserve de respecter le règlement d’usage.
Ce principe de marque « ouverte » est néanmoins tempéré par la nécessité de contrôler l’apposition de la marque. En effet, le titulaire de la marque collective de certification a l’obligation, en sa qualité d’organisme certificateur, de s’assurer de la conformité de l’usage de la marque à son règlement. Ce mécanisme de contrôle est indispensable pour assurer la fonction de garantie de conformité de la marque collective de certification. Les modalités de ce contrôle doivent être prévues par le règlement d’usage qui impose à cette fin l’accord préalable du titulaire de la marque avant toute utilisation de celle-ci. Cette étape préalable permet au titulaire de s’assurer que l’usage de la marque tel qu’il est envisagé par tel professionnel est conforme au règlem ent d’usage. Les modalités de contrôle de la conformité de l’utilisation de la marque collective de certification peuvent être librement définies. Il est par exemple envisageable de prévoir un premier contrôle de la production d’un professionnel aboutissant à une autorisation d’exploitation de la marque collective de certification pour la production ultérieure, sous réserve de l’intervention de contrôles inopinés ou de prélèvement d’échantillons, tout en prévoyant des contrôles complets réguliers.
Il faut reconnaître que l’apparente ampleur des mécanismes à mettre en place pour devenir organisme certificateur et pour contrôler l’usage de la marque collective de certification est susceptible de constituer un obstacle a priori pour nombre d’entreprises et pour les groupements qui sont engagés dans un processus de « labellisation » hors du cadre de la réglementation de la certification des produits et services.
Il faut pourtant encourager les entreprises à recourir à ces outils de propriété intellectuelle qui ne doivent plus être considérés comme réservés à certains produits particuliers, comme les produits alimentaires.
Les marques collectives et, en particulier, la marque collective de certification, ont une vocation générale, embrassant tous les biens de consommation, des produits textiles aux produits électroniques, ainsi que tous les services.
Les exigences de la protection des consommateurs et le développement de la compétitivité peuvent être parfaitement conciliés par la création et l’exploitation d’une marque collective de certification.
L’évolution est à notre portée, sachons la saisir et la développer.
Corinne Champagner Katz et Richard Willemant – CCK Avocats