L’obligation imposée à l’avocat d’informer les autres intermédiaires impliqués dans une planification fiscale transfrontières potentiellement agressive n’est pas nécessaire et viole le droit au respect des communications avec son client.
Dans un arrêt du 8 décembre 2022 (affaire C-694/20), la Cour de justice de l'Union européenne rappelle tout d’abord que l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients.
Cette protection spécifique du secret professionnel des avocats se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables. Cette mission exige que tout justiciable ait la possibilité de s’adresser en tout liberté à son avocat, ce qui est reconnu dans tous les Etats membres.
Le secret professionnel recouvre également la consultation juridique, et ce tant à l’égard de son contenu que de son existence.
Or, en matière de lutte contre la planification fiscale agressive, l’obligation que prévoit la directive 2011/16/UE du 15 février 2011 pour l’avocat intermédiaire soumis au secret professionnel de notifier sans retard aux autres intermédiaires les obligations de déclaration qui leur incombent implique que ces autres intermédiaires prennent connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire. Ils prennent également connaissance de son analyse selon laquelle le dispositif fiscal en cause doit faire l’objet d’une déclaration ainsi que du fait qu’il est consulté à son sujet.
Cette obligation de notification entraîne une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux.
Etant donné que les autres intermédiaires sont tenus d’informer les autorités fiscales compétentes de l’identité et de la consultation de l’avocat, cette obligation entraîne aussi indirectement une seconde ingérence dans le droit au secret professionnel.
Ensuite, la Cour considère que l’obligation de notification incombant à l’avocat soumis au secret professionnel n’est pas nécessaire pour réaliser l'objectif de prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales.
En effet, tous les intermédiaires sont tenus de transmettre ces informations aux autorités fiscales compétentes. Aucun intermédiaire ne peut prétendre qu’il ignorait les obligations de déclaration, clairement énoncées dans la directive, auxquelles il est directement et individuellement soumis.
La divulgation, par les tiers intermédiaires notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire à l’administration fiscale n’apparaît pas non plus nécessaire à la poursuite des objectifs de la directive.
L’obligation de déclaration incombant aux autres intermédiaires non soumis au secret professionnel et, à défaut de tels intermédiaires, celle incombant au contribuable concerné, garantissent, en principe, que l’administration fiscale soit informée.
L’administration fiscale peut, après avoir reçu une telle information, demander des informations supplémentaires directement au contribuable concerné qui pourra alors s’adresser à son avocat pour qu’il l’assiste. L’administration fiscale pourra également effectuer un contrôle de la situation fiscale de ce contribuable.
La Cour juge dès lors que l’obligation de notification prévue par la directive n’est pas nécessaire et viole donc le droit au respect des communications entre l’avocat et son client.