À l’occasion du Forum de la place juridique de Paris organisé par Paris Ile-de-France Capital économique, une table ronde s’est intéressée à la question de savoir si le droit français apporte des garanties suffisantes aux entreprises.
Le Forum de la place juridique de Paris qui s’est tenu le 16 décembre 2022 a permis de faire le point sur les garanties que le droit doit apporter aux entreprises.
Pour Arthur Dethomas, associé, Hogan Lovells, les entreprises ont besoin de garanties de compétences : des compétences de leurs juges. Il a salué la compétence des juges français. Par ailleurs, il estime nécessaire des efforts en matière de prévisibilité en ce qui concerne la durée des procédures et l’issue.
Eric Russo, associé, Quinn Emanuel, a souligné qu’un des avantages que la France offre aux entreprises est de permettre que les « affaires soient jugées ici plutôt qu’ailleurs » avec une organisation judiciaire adaptée avec des magistrats compétents, mais aussi des juridictions spécialisées et des conseils qui accompagnent les entreprises. Il faut également que le droit soit adapté aux préoccupations des entreprises permettant d’offrir des outils efficaces comme c’est le cas avec la loi Sapin 2 en matière de conformité avec un dispositif de prévention de la corruption salué par l’OCDE.
Complexité du droit
Le législateur et surtout le régulateur sont le facteur numéro un de complexité du droit, a affirmé Arthur Dethomas, parce que « la régulation et le contrôle par les régulateurs d’activités sont sources de très grande complexité. Les avocats et le juge s’adaptent à ces sources de complexité ». L’attractivité de la place juridique de Paris est liée à sa capacité de prendre en compte ces enjeux, a complété Eric Russo.
« Nous sommes tous dans une sorte d’insécurité juridique. Cela devient dangereux quand les magistrats eux-mêmes se sentent en insécurité juridique du fait de la difficulté pour eux de connaître la loi. Le magistrat aujourd’hui court après les lois et les réformes. Nous ne cessons pas de demander d’arrêter au législateur d’arrêter de produire. Nous aimerions une pause législative pour pouvoir digérer ces grandes réformes qui se succèdent à une vitesse incroyable et que plus personne ne peut maîtriser » a ajouté Gwenola Joly-Coz, première présidente, cour d’appel de Poitiers. Malgré la complexité du droit, le rôle du juge est de faire vivre la loi à travers la jurisprudence.
Cette inflation législative est un phénomène mondial qui est le reflet de la société dans laquelle nous vivons, a précisé Duncan Fairgrieve, avocat et membre du Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP). Il a fait remarquer que le nouveau mode de rédaction des arrêts du Conseil d’Etat permet une meilleure lisibilité du droit et de mieux le comprendre. De même que le travail de codification. Dans la même perspective, Gwenola Joly-Coz a évoqué également le nouveau mode de rédaction des arrêts de la Cour de cassation, les lettres de la Cour de cassation et les communiqués sur les arrêts.
Mobiliser tous les acteurs de la place
La place juridique de Londres représente 70 milliards de livres sterling selon Duncan Fairgrieve. Selon lui, « il y a eu un électrochoc avec le rapport « Doing Business » de la banque mondiale montrant que le droit est un facteur important du développement économique ». L’écosystème a son importance dans le développement économique d’une place juridique. « On voit bien aux États-Unis et en Angleterre l’implication des professions ». L’Université a aussi un rôle à jouer pour faire venir les étudiants étrangers. La formation est aussi indispensable pour que les avocats français puissent être US Attorney ou solicitor afin qu’ils développent une activité internationale.
Gwenola Joly-Coz, première présidente de la cour d’appel de Poitiers, a rappelé l’importance du juge dans l’écosystème juridique : « Nous avons la chance en France d’avoir à la fois un grand juge, adossé à l’article 66 de la Constitution, porteur de valeurs déontologiques, d’indépendance, d’impartialité, qui est aussi garant de la sécurité des affaires ». Elle a également évoqué la place des magistrats professionnels dans les tribunaux de commerce - le rapport des États généraux de Jean-Denis Combrexelle proposant un échevinage - devrait être réglée notamment concernant la chambre des sanctions. Gwenola Joly-Coz a ensuite rappelé que le pôle commercial de la cour d’appel de Paris est constitué de 13 chambres spécialisées et 45 magistrats. « 45 magistrats pour réguler la place juridique de Paris, ce n’est pas assez. Il faut des moyens pour que l’institution judiciaire puisse encore mieux s’organiser dans un écosystème que vous appelez de vos vœux et qu’elle soit à la hauteur des enjeux ».
Les intervenants estiment nécessaire une meilleure coopération entre avocats et magistrats. Eric Russo, avocat et ancien magistrat, prône des passerelles plus faciles entre les deux professions. « Nous avons une perspective devant nous : c’est la communauté judiciaire et juridique. Nous devons créer en France une communauté plus forte et plus unie qui travaille plus dans la confiance. Il faut mieux se connaître. Peut-être pour mieux se connaître, être formés ensemble. Il faut des juges spécialisés qui connaissent bien leur contentieux » conclut Gwenola Joly-Coz.
Arnaud Dumourier (@adumourier)