Créée en 2014 en droit de la consommation, l’action de groupe a été étendue aux domaines des produits de santé, de la discrimination, de l’environnement, de la protection des données personnelles et des litiges en matière de location de logement.
En 2020, un rapport parlementaire d’information a fait le bilan des actions de groupe, qu’il a qualifié de « décevant » au motif qu’il n’y aurait eu « que » 21 actions de groupe initiées et aucune entreprise ayant vu sa responsabilité engagée. Les auteurs de ce rapport de 2020 sont les rédacteurs de la Proposition de loi du 15 décembre 2022 relative au régime juridique des actions de groupe. Ils y font de nouveau un bilan « décevant » indiquant qu’à fin 2022, 32 actions de groupe ont été décomptées, avec 6 d’entre elles ayant eu un résultat « positif ». Le critère de performance des actions de groupe est donc celui du nombre d’actions lancées et d’entreprises condamnées.
Un autre point de vue serait de dire que l’absence de condamnation ne vaut pas échec. En effet, il n’est pas établi que les actions de groupe qui ont échoué auraient été un succès via des actions individuelles. Le 5 janvier 2022, le Tribunal Judiciaire de Paris a ainsi condamné Sanofi. Ce jugement non-définitif est le signe que le mécanisme fonctionne, si on assimile la condamnation d’une entreprise à un succès.
La Proposition de loi vise donc à réformer le régime des actions de groupe afin de les rendre plus accessibles, à mieux indemniser les victimes et à réduire les délais de procédure. Elle prend en considération la transposition de la Directive européenne relative aux actions représentatives.
La réforme prévoit un certain nombre d’ajustements, le premier d’entre eux étant la fin de la multiplicité de procédures. Actuellement, une action de groupe peut obéir à des dispositions des codes de la consommation, de l‘environnement ou de la santé publique, par exemple. Toutes les actions de groupe seront désormais régies par des dispositions nouvelles du code civil. L’unicité sera également dans l’indemnisation des préjudices puisque les différences d’indemnisation entre procédures (préjudice matériel dans l’action consommation, préjudice corporel dans l’action santé par exemple) disparaîtront au profit d’une indemnisation intégrale des préjudices. Il sera également mis fin à l’application des règles classiques de compétence des juridictions au profit de la désignation de tribunaux spécialisés.
Parmi les changements majeurs figure le nouveau rôle du Ministère Public. Avec la réforme, il pourra désormais initier ou intervenir dans une action en cours. Il pourra également (ainsi que la victime) solliciter une condamnation au paiement d’une « sanction civile » qui oblige, dans certaines conditions, au paiement d’une somme au Trésor Public en plus du paiement des dommages-intérêts. C’est donc l’immixtion de l’Etat dans ces procédures.
La proposition de loi envisage de donner plus de publicité aux actions de groupe en permettant aux associations et syndicats ayant compétence à agir de publiciser les actions qu’ils lancent. Il est également prévu la création d’un registre public des actions de groupe qui recensera les actions de groupe en cours devant les tribunaux. L’objectif étant qu’un plus grand nombre de personnes concernées soient informées des procédures existantes.
La simplification sera également opérée par la fin de la mise en demeure préalable obligatoire. Il sera toutefois toujours possible, de manière volontaire, de mettre en demeure l’entreprise avant d’engager l’action de groupe.
Cependant, la réforme n’opère pas une refonte totale de l’action de groupe, ce qui doit être salué. Ainsi, bien que la qualité à agir soit largement étendue, elle restera limitée à certaines associations et syndicats (et le Ministère Public). Il ne sera donc pas possible pour une personne physique ou un cabinet d’avocats d’initier une action de groupe.
Plus important, l’action de groupe continuera également à obéir au mécanisme de l’opt-in, qui oblige les personnes correspondant aux critères du groupe concerné à se faire connaître à la procédure. Contrairement au mécanisme de l’opt-out où toute personne correspondant aux critères du groupe en fait automatiquement partie, sauf à demander à en être exclue.
Par ailleurs, bien qu’unifiée la procédure restera en deux étapes principales avec un jugement sur la responsabilité du défendeur et les critères du groupe puis la mise en œuvre de ce jugement via l’adhésion au groupe défini et la réparation individuelle des préjudices.
L’avenir dira si cette réforme du régime des actions de groupe, en discussion en séance publique en mars prochain, permettra l’augmentation significative du nombre d’actions de groupe et donc, de déclarations de responsabilité d’entreprise conformément à l’objectif visiblement poursuivi par la Proposition de loi. Nous verrons à cette occasion si la France résistera à la tentation du forum shopping à laquelle succombe un certain nombre d’Etats Membres.
Sylvie Gallage-Alwis, associée et Nikita Yahouedeou, avocate, Signature Litigation