Le transporteur dont les relations auront été rompues pourra agir en indemnisation pendant cinq ans après la cessation des relations, relèvent Bruno Martin, associé, et Jean-Jacques Benattar, avocat au cabinet Courtois Lebel.
Une société de transport assigne son commissionnaire en rupture brutale des relations commerciales plus d'un an après la cessation de leurs relations
Un commissionnaire de transport, ayant confié pendant une quinzaine d'années des tournées régulières de livraisons de produits frais en faveur de grandes surfaces alimentaires à une société de transport, a mis fin entre décembre 2005 et juin 2006 et sans préavis, aux relations commerciales.
Le 22 novembre 2007, soit plus d'un an après la cessation de leurs relations, la société de transport (par l'intermédiaire de son liquidateur) a assigné le commissionnaire de transport pour rupture brutale de relations commerciales établies.
Le commissionnaire de transport a alors soulevé, à titre principal, l'irrecevabilité de l'action, considérant que l'action en rupture brutale de relations commerciales était soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce.
Prescription d'un an ou de cinq ans ?
Il est admis que l'article L. 110-4 I du Code de commerce prévoyant une prescription de cinq ans en matière commerciale (depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008) s'applique aux actions en rupture brutale des relations commerciales établies.
En revanche, l'article L. 133-6 du Code de commerce prévoit l'application d'une prescription d'un an seulement aux actions exercées contre le transporteur pour avaries, pertes ou retards ainsi qu'à toutes les autres actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire.
Dès lors, la question qui se posait était de savoir si ce bref délai de prescription s'appliquait à la rupture brutale de relations commerciales établies dans le secteur des transports ?
La Cour d'appel de Caen, dans un arrêt rendu le 7 juin 2012, avait déclaré prescrite l'action en indemnisation du transporteur car "étant nécessairement née du contrat de transport..." et donc soumise à la courte prescription.
Cet arrêt a été censuré par la Cour de cassation.
La Cour de cassation tranche : prescription de cinq ans
La Cour de cassation a jugé pour la première fois que «l'action pour rupture brutale de relations commerciales établies, fussent-elles nées d'un contrat de transport, n'est pas soumis à la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce».
Par conséquent, une action fondée sur l'article L. 442-6 5° à raison d'une rupture brutale de relation de transport, se prescrit par 5 ans à compter du fait générateur de la rupture et ne relève pas du délai de prescription d'un an de l'article L. 133-6 du Code de commerce.
Cette solution s'applique aussi bien dans l'hypothèse où le transporteur est à l'origine de la cessation de la relation commerciale, que dans celle où il en est victime.
La décision de la Cour de cassation peut surprendre, puisqu'en l'espèce, il s'agissait d'invoquer la rupture d'un contrat de transport, si bien qu'il semblait logique d'appliquer la prescription annale concernant précisément "les autres actions auxquelles ce contrat (de transport) peut donner lieu".
Néanmoins, cette solution s'explique dans la mesure où l'action en rupture brutale des relations commerciales établies est de nature délictuelle (fondement extra-contractruel) de sorte que la Cour de cassation retient la prescription de droit commun (5 ans) plutôt que la prescription abrégée du droit des transports (1 an).
Bruno Martin, associé, et Jean-Jacques Benattar, avocat au cabinet Courtois Lebel