Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions législatives relatives aux cours criminelles départementales.
Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit :
- des articles 380-16 et 380-17 du code de procédure pénale ainsi que du 4 ° de l’article 380-19 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ;
- des articles 380-16 à 380-22 du même code, dans leur rédaction issue de cette même loi.
Critiques formulées par les requérants
Tout d'abord, en donnant compétence à une juridiction composée exclusivement de magistrats pour connaître de la majorité des crimes, ces dispositions méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République, qu’ils demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître, imposant l’intervention d’un jury pour juger les crimes de droit commun.
Ensuite, les dispositions de l’article 380-16 du code de procédure pénale instituerait une différence de traitement injustifiée entre les accusés en permettant leur renvoi devant une cour d’assises ou une cour criminelle départementale selon le quantum de la peine encourue, l’état de récidive légale ou, le cas échéant, la présence de coaccusés.
Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Enfin, les dispositions du 4 ° de l’article 380-19 du code de procédure pénale institueraient une différence de traitement injustifiée entre les accusés, au motif que ceux jugés par une cour criminelle départementale seraient soumis à des règles de majorité moins favorables que ceux jugés par une cour d’assises pour le vote sur la culpabilité et sur le prononcé de la peine maximale.
Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice.
Sur la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République
Une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
D’une part, dans leur très grande majorité, les textes pris en matière de procédure pénale dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 comportent des dispositions prévoyant que le jugement des crimes relève de la compétence d’une juridiction composée de magistrats et d’un jury.
Toutefois, en dépit de son importance, le principe de l’intervention du jury en matière criminelle a été écarté par les lois des 24 février 1875, 9 mars 1928 et 13 janvier 1938 pour certains crimes.
D’autre part, ces dispositions n’ont eu ni pour objet ni pour effet de réserver à une juridiction composée d’un jury le jugement des crimes "de droit commun", catégorie qui n’a au demeurant été définie par aucun texte.
Par conséquent, le principe invoqué ne saurait être regardé comme répondant à l’ensemble des critères requis pour la reconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Sur les autres griefs
En premier lieu, d’une part, les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises. Ainsi, en retenant de tels critères, le législateur n’a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes.
D’autre part, si les accusés ne sont pas soumis aux mêmes règles de majorité selon qu’ils comparaissent devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation tenant à la composition respective de ces deux juridictions.
En second lieu, à l’exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour criminelle départementale sont identiques à celles applicables devant la cour d’assises. En outre, la cour criminelle départementale présente, par sa composition, les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité.
Sont ainsi assurées aux accusés, qu’ils soient jugés devant une cour d’assises ou devant une cour criminelle départementale, des garanties équivalentes.
Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et la justice doivent être écartés.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel juge, dans une décision n° 2023-1069/1070 QPC du 24 novembre 2023, que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
SUR LE MEME SUJET :
Transmission de QPC : cours criminelles départementales - Legalnews, 22 septembre 2023