Réforme du droit des entreprises en difficulté : la difficile conciliation des intérêts des débiteurs et des créanciers

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Romain Laffly, Avocat associé, LexavouéRomain Laffly, Avocat associé chez Lexavoué commente l'ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en difficultés.

Avec l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, ce sont 117 articles qui modifient, une nouvelle fois, le droit des procédures collectives et qui tentent de concilier les intérêts, parfois opposés, du créancier et du débiteur. Pour l'un et l'autre, ce n'est pas tant le passif qui s'aggrave mais bien l'actif qui s'améliore par une prise en considération de la situation singulière dans laquelle ils se trouvent. Voici donc quelques exemples à mettre, à compter du 1er juillet 2014, à l'actif du débiteur et de son créancier.

A l'actif du débiteur,

Le rétablissement professionnel : les nouveaux articles L. 645 et suivants du Code de commerce prévoient que le débiteur, personne physique ne se trouvant pas en période d’observation d’une sauvegarde, d’un redressement ou en liquidation judiciaire, pourra solliciter une procédure de rétablissement pour une période de 4 mois. Avantage significatif : le débiteur ne fera pas l’objet d’un dessaisissement et la clôture de la procédure aboutira à l’effacement des dettes, qu'elles soient ou non professionnelles.

L'instauration d'une sauvegarde accélérée : le nouvel article L. 628-1, alinéa 2 du Code de commerce prévoit l'ouverture d'une sauvegarde accélérée pour une durée de 3 mois. Certaines conditions seront néanmoins requises et parmi elles : la certification des comptes ou leur établissement par un expert comptable, un état de cessation des paiements inférieur à 45 jours, l'élaboration d'un projet de plan visant à assurer la pérennité de l'entreprise, une conciliation préalablement accordée et une acceptation des délais par les créanciers.

La fin de la saisine d'office : le débiteur est maintenant protégé par la récente déclaration d'inconstitutionnalité du Conseil constitutionnel dont l'ordonnance du 12 mars 2014 a su tirer les enseignements. Le Tribunal de commerce ne pourra plus se saisir d'office non seulement pour ordonner un redressement judiciaire mais encore pour prononcer une liquidation judiciaire (la question étant actuellement pendante devant le Conseil constitutionnel) ou une demande d'extension. Cette saisine n'appartiendra qu'au débiteur, au créancier et au ministère public.

La protection des biens : le débiteur pourra bénéficier de délais de grâce pour quitter l'immeuble qui constituerait sa résidence principale et les biens échus sur succession après l'ouverture de la liquidation judiciaire seront exclus de la réalisation de l'actif.

A l'actif du créancier,

La déclaration de créance : afin de mettre fin au contentieux inépuisable relatif à la justification du pouvoir spécial dans l'hypothèse où le déclarant n'est pas le créancier, l'article L. 622-24 nouveau du Code de commerce précise que le créancier pourra ratifier la déclaration de créance qui aura été faite en son nom et ce jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. Même s'il y a encore débat sur la portée de cet apport, il est fort possible que la déclaration de créance ne soit plus dès lors assimilée à une demande en Justice, corolaire de la nécessité de disposer d'un pouvoir spécial. Par ailleurs, lorsqu'il ne répondra pas dans le délai de trente jours à un courrier du mandataire judiciaire emportant contestation sur la régularité de la déclaration de créance, le créancier ne sera pas privé d’interjeter appel de l’ordonnance du juge-commissaire par application de l'article L. 622-27 nouveau du Code de commerce.

La déclaration d’insaisissabilité : l’article L. 632-1 du Code de commerce est modifié et la déclaration d’insaisissabilité, maintes fois critiquée en doctrine, apparaît désormais comme un nouveau cas de nullité de plein droit de la période suspecte. Au grand bénéfice des créanciers, le liquidateur judiciaire pourra ainsi obtenir la réintégration de l’actif immobilier, objet de la déclaration d’insaisissabilité, ou engager une action paulienne, qui lui était auparavant interdite en jurisprudence, hors de la période suspecte ou plus de dix-huit mois antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

Le projet de plan : le nouvel article L. 626-30-2 du Code de commerce va permettre aux créanciers de présenter un projet de plan, sur lequel l'administrateur fera un rapport et le Tribunal devra statuer.

L'information en cours de procès : à peine de sanction d'interdiction de gérer, l'article L 622-22 prévoit que le débiteur devra informer le créancier, auquel il serait opposé dans le cadre d'un contentieux et sous un délai de 10 jours, qu'il se trouve soumis à une procédure collective.


Romain Laffly, Avocat associé chez Lexavoué, avocat au barreau de Lyon


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