Compétences nouvelles de l’AGRASC ! La loi du 24 juin 2024 ou la confiscation pour solution

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L'Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC) voit ses pouvoirs renforcés par la loi du 24 juin 2024. Face au crime organisé et au narcotrafic, le législateur accentue la stratégie de "frappe au portefeuille" en facilitant les saisies et confiscations d'avoirs criminels. Nouvelles prérogatives, simplification des procédures, meilleure indemnisation des victimes : tour d'horizon des principales évolutions qui visent à rendre plus efficace la lutte contre les profits illicites par Pascal-Pierre Garbarini, Avocat à la Cour, Associé-dirigeant du Cabinet Garbarini.

L’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (ci-après AGRASC) a été créée en 2010. Sa mission reprise comme intitulé du rapport remis en 2019, lequel a donné lieu à la loi du 24 juin 2024 dite loi Warsmann est : « Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner ».

En d’autres termes, face au crime organisé et surtout aux narcotrafiquants dont le chiffre d’affaires est estimé à 3,5 milliards d’euros, le législateur a décidé de poursuivre ses frappes au portefeuille du narcotrafiquant. En effet, seulement 30% des biens saisis dans le cadre de procédures judiciaires sont confisqués.

Les chiffres de 2023 sont éloquents : 1,4 milliard d’euros saisis (soit le prix pour nettoyer la Seine pour les JO) pour seulement 175 millions d’euros confisqués. Certes, ces chiffres sont encourageants et il est vrai que l’ancien directeur de l’AGRASC, à présent Procureur de la République de Marseille, Monsieur Nicolas Bessone a su plaider sa cause auprès du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti lui-même très sensibilisé sur ce sujet et surtout obtenir des résultats prometteurs en matière de saisies et de confiscations d’avoirs criminels. C’est à lui que l’on doit, notamment, par cette loi, la possibilité d’attribuer à des fédérations sportives et des associations d’utilité publique des biens confisqués dans le cadre de procédures judiciaires.

D’ailleurs, quel est désormais l’avocat pénaliste qui n’a pas entendu de son client : Maître, c’est quoi cette saisie de mon appartement, de ma voiture de sport et de mes montres ! Maître, il faut me les récupérer.

Comme si finalement l’atteinte au patrimoine, nouvelle écriture de la loi du talion : « œil pour saisie, dent pour confiscation ! » était une bien meilleure solution que le nombre des années de prison.

Cependant, la pratique depuis la création de l’AGRASC nécessitait des améliorations, surtout que l’avocat pénaliste se spécialisait à son tour en voie d’exécution pour contrer les mesures de saisies et de confiscations ! Comme quoi, le combat n’est jamais perdu ! C’est dans ce sens que la loi du 24 juin 2024 a complété entre autres l’article 131-21 et l’article 41-5 du Code de procédure pénale.

Quelques innovations sont étonnantes et soulignent l’enjeu politique que représente la lutte contre le crime organisé et le narcotrafic.

Notons par exemple que les officiers de police judiciaire pourront mener, dans le cadre de leur mission, des enquêtes patrimoniales, ce qui implique que les avoirs suspects pourront faire l’objet d’investigations approfondies. L’AGRASC recevra communication de toutes les décisions de saisies et de confiscations, ce qui l’autorisera à une réaction quasi immédiate de sa part.

La gestion et la vente des biens non restitués à la suite de confiscations sera désormais de la compétence de l’AGRASC, ce qui auparavant était du domaine du mandataire liquidateur si les biens étaient dans les liens d’une procédure collective.

Autre prérogative particulièrement significative des pouvoirs de l’AGRASC, celle-ci pourra vendre des biens saisis avant jugement, si le bien n’est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ou si les frais de conservation sont trop élevés par rapport à la valeur économique : le coût des charges de copropriété, d’entretien et de gardiennage des véhicules justifiera ainsi leur vente !

Ajoutons deux prérogatives qui finissent de démontrer que l’État a décidé de se donner les moyens : les confiscations seront des peines complémentaires obligatoires, sauf dérogation de la juridiction. Cette confiscation se veut automatique dès lors qu’elle sera le produit de l’infraction et ce même en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement de la personne poursuivie.

Et pour finir, ladite confiscation d’un bien immobilier vaut expulsion de la personne condamnée, y compris pour les occupants de son chef, à savoir sa famille, le juge conservant sur ce point un pouvoir d’appréciation…

Pour mettre en œuvre cet arsenal des mesures de guerre économique contre le crime organisé et le narcotrafic, une simplification de la procédure a été opérée avec le principe d’un juge unique. Avant le jugement, le Premier Président de la Cour d’Appel et après jugement, le Président du Tribunal Judiciaire auront compétence. Celle-ci était antérieurement dévolue à la Chambre de l’instruction ou à la Cour d’Appel.

Bref, les mots d’ordre sont simples : rapidité et efficacité.

Il faut ajouter que cette loi améliore le droit à l’indemnisation des victimes qui voient l’assiette de leur indemnisation élargie aux biens saisis et le délai passé à six mois pour en solliciter l’indemnisation auprès de l’AGRASC.

De tout temps, l’État, et cela est bien légitime, s’est efforcé d’apporter une réponse aux évolutions criminelles, à l’imagination du crime organisé.

La nouvelle réponse législative au profit de l’AGRASC nous fait penser à cette citation que nous attribuerons à Churchill : « où il y a une volonté, il y a un chemin ».

Mais, face à ce chemin, quel sera le prochain obstacle imaginé par le crime organisé…

Pascal-Pierre Garbarini, Avocat à la Cour, Associé-dirigeant du Cabinet Garbarini


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