RD4U – Un Registre des dommages de guerre bientôt ouvert aux entreprises

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Depuis le début de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine le 24 février 2022, les conséquences humaines, matérielles et économiques sont dévastatrices. De nombreuses personnes physiques et morales, ainsi que l'État ukrainien, ont subi des pertes considérables en raison des actions illicites perpétrées par les forces russes sur le territoire ukrainien : destructions, confiscations et nationalisation forcées, autant d’actes pouvant être assimilés à des crimes de guerre.  Pour prendre en charge les pertes subies, le Conseil de l'Europe, aux côtés des Etats-Unis, du Canada et du Japon, a pris une initiative cruciale : le 17 mai 2023 était créé le Registre des dommages causés par l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine.

Ce registre, basé à La Haye, joue désormais un rôle central en facilitant les demandes d'indemnisation des victimes civiles. Il est conçu pour collecter, classer et documenter les preuves des préjudices subis afin d’assurer que chaque réclamation soit prise en compte. L’objectif est de permettre aux particuliers mais également aux entreprises et aux investisseurs étrangers, ainsi qu’à l'État ukrainien d'obtenir réparation pour les dommages de guerre sous toutes leurs formes.

Un processus encadré et structuré

Le Registre des dommages pour l’Ukraine (ou RD4U) est une structure internationale qui fonctionne selon des critères d’éligibilité stricts, établis par son conseil d’administration. Ce conseil a pour mission de définir les règles et les règlements qui encadrent le fonctionnement du Registre et de déterminer l’éligibilité des réclamations. Les demandes qui répondent aux critères sont ensuite enregistrées et traitées dans le cadre d'un examen rigoureux.

Les critères d’éligibilité incluent les dommages causés à partir du premier jour de l’invasion russe, le 24 février 2022, à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de l'Ukraine. Ces dommages doivent être directement liés aux actions illicites de la Fédération de Russie décrites plus haut, que ce soit contre des individus, des entreprises ou des infrastructures privées ou publiques. Les demandes d’indemnisation peuvent être déposées via le portail gouvernemental ukrainien "Diia" (Action en ukrainien), à la fois application mobile et plateforme numérique sécurisée qui centralise les services publics en Ukraine, accessible aux citoyens ukrainiens et aux déclarants étrangers ayant subi des dommages résultant de l’action de la Fédération de Russie.

Pourquoi le Registre est-il essentiel ?

En permettant un accès structuré à des mécanismes de compensation, le Registre offre un moyen indispensable pour que les victimes puissent obtenir réparation des dommages de guerre. Cependant, le processus d’indemnisation peut s’avérer complexe. Les déclarants doivent rassembler des preuves tangibles et soumettre des réclamations dans les délais impartis, tout en respectant les exigences légales strictes.

Le registre a commencé par traiter les réclamations concernant les dommages aux logements, mais il est en cours d’élargissement avec douze nouvelles catégories, incluant les pertes humaines, les déplacements forcés, et les infrastructures détruites. Depuis le 1er octobre 2024, plus de 10 000 réclamations ont été soumises par des particuliers, principalement pour des dommages ou la destruction de logements résidentiels, notamment dans des régions lourdement touchées comme Donetsk et Marioupol.

Dans ces conditions, les entreprises pourront bientôt à leur tour réclamer des compensations pour les dommages matériels, la destruction de biens, ou encore les pertes liées à l’interruption d’activités commerciales ou la privation d’actifs résultant de nationalisations forcées. A cet égard, le registre permet d’enregistrer des réclamations concernant différents types de propriétés et infrastructures endommagées.

En soumettant leur réclamation, les entreprises devront fournir des preuves telles que des documents légaux, des photos, ou tout autre fichier pertinent illustrant la perte d’actifs constatée. Cependant, si certaines preuves ne sont pas disponibles, d’autres sources, comme des images satellites, pourront également être utilisées afin de permettre aux personnels du Registre de vérifier, le moment venu, la pertinence des réclamations.

Pour l’instant, le Registre est ouvert aux particuliers ayant subi des destructions. Lorsque le Registre sera ouvert aux déclarations des entreprises, celles-ci pourront désigner des représentants pour gérer et pour soumettre les réclamations en leur nom, ce qui devrait faciliter le processus pour les grandes entreprises avec plusieurs sites touchés.

Cette approche devrait permettre aux entreprises de documenter et de demander réparation pour les pertes subies en raison du conflit, ouvrant ainsi la voie à des compensations futures lorsque le mécanisme international d’indemnisation sera pleinement opérationnel.

Charles-Edouard Renault, associé, De Gaulle Fleurance


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