Fonds de litige et honoraires de résultat

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Traditionnellement, les clients paient leurs avocats sur la base d’un forfait ou d’un taux horaire. La majorité des affaires commerciales contentieuses sont encore facturées de cette manière. Cependant, il existe au moins deux autres moyens de financer les contentieux : (i) le financement des litiges et (ii) les accords "no win no fee" (pas de victoire, pas d'honoraires). Explications par Andrew Tetley, avocat associé cabinet Reed Smith.

Le financement des litiges : le financement des litiges prend généralement deux formes. La plus courante consiste pour un demandeur potentiel à obtenir un financement auprès d'un bailleur de fonds pour un litige particulier. Les bailleurs de fonds évaluent le bien-fondé et le caractère exécutoire de la demande, tout en effectuant des vérifications préalables limitées. Le financement est sans recours, de sorte que si le demandeur perd, c’est le bailleur de fonds qui subit la perte financière et supporte les coûts. Cependant, dans certaines juridictions où des ordonnances de frais défavorables (« adverse cost orders ») existent, le demandeur peut encore avoir des responsabilités résiduelles et pourrait avoir besoin d'une assurance pour les couvrir, même si celle-ci reste généralement coûteuse.

Une deuxième forme de financement est le financement de portefeuille. Il s’agit d’un financement sans recours mis à la disposition d’un cabinet d’avocats qui peut alors offrir des conditions avantageuses à ses clients sur plusieurs contentieux, répartissant ainsi le risque entre le cabinet et le bailleur de fonds.

"No win, no fee" : les accords "no win no fee" constituent une autre solution. Dans ce type d'accord, les avocats mettent leurs honoraires en danger puisqu’aucun honoraire ne sera dû en cas de résultat défavorable. Selon le cabinet d'avocats, cet arrangement peut être plus avantageux pour les demandeurs que le financement des litiges. Les cabinets d'avocats prendront en compte des critères similaires à ceux utilisés par les bailleurs de fonds avant de conclure un tel accord.

Les questions réglementaires : avant de conclure de tels accords, il est essentiel de prendre en compte les cadres juridiques et réglementaires. 

Aux États-Unis, les règles sont particulièrement libérales et permettent aux avocats de conclure des accords "no win no fee" avec leurs clients. Au Royaume-Uni, ces arrangements sont possibles mais encore peu fréquents dans les litiges commerciaux. En France, les accords "no win no fee" sont interdits, mais il est possible de fixer une partie des honoraires en fonction du résultat.

Pour les financeurs de litiges, la réglementation est plus nuancée en raison de la nouveauté de ces pratiques. Dans certaines juridictions, le financement est autorisé en l'absence d'interdiction explicite. Ailleurs, les lois sont floues et des interventions des régulateurs pourraient être nécessaires. En Europe, des mesures sont en cours pour plafonner les rendements des bailleurs de fonds, comme cela a été tenté en Australie, qui a été pionnière dans le domaine du financement des litiges. Toutefois, aucun plafond n’a été formellement établi dans les principales juridictions.

Paysage international : les cabinets d'avocats internationaux tirent avantage de leur capacité à opérer dans plusieurs juridictions, diversifiant ainsi leurs activités et les risques. En vertu des règles britanniques, un cabinet peut être rémunéré jusqu’à 50 % des sommes recouvrées, bien que ce pourcentage soit souvent inférieur. Les bailleurs de fonds préfèrent limiter leur part à 30 % des profits générés, même si certains cas particuliers ont vu des pourcentages plus élevés.

Arbitrage international : le financement des litiges est de plus en plus courant dans les arbitrages internationaux, en particulier ceux impliquant des investisseurs contre des États. Certains estiment que plus de 50 % des arbitrages d’investissement sont financés par des bailleurs. Toutefois, les accords "no win no fee" sont moins fréquents dans ce domaine, bien qu'ils représentent jusqu’à 20 % des affaires dans certains cas.

Les juridictions qui souhaitent attirer des litiges internationaux doivent adapter leurs réglementations en conséquence. La manière dont elles gèrent les fonds de litige et les accords "no win no fee" jouera un rôle déterminant dans leur compétitivité.

Remarques finales : le financement des litiges et les accords "no win no fee" offrent aux entreprises la possibilité séduisante de poursuivre ou de défendre un litige sans supporter de lourds coûts initiaux. Ces arrangements permettent à un service juridique interne de devenir un centre de profits plutôt qu’un poste de dépenses. 

Cependant, ces mécanismes restent réservés à certaines affaires, nécessitant une évaluation préalable stricte. Les demandeurs doivent aussi prendre en compte la possible perte de contrôle de leur litige, qui pourrait affecter la relation de confiance entre les différentes parties. Malgré ces défis, ces outils prennent une place grandissante dans le paysage juridique actuel.

Andrew Tetley, avocat associé cabinet Reed Smith


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