Anne-Marie Guillerme commente les risques liés au contentieux mais aussi l'arme qu'il peut représenter pour l'entreprise.
Le risque judiciaire est un risque quotidien lié aux activités de l’entreprise. Sécurité, environnement, concurrence, informatique, consommation, travail ... : tous ces droits sont sources de contentieux.
C’est aussi l’un des risques les plus redoutés, signe de rupture de relations commerciales établies de longue date ou de mise en cause de la responsabilité civile ou pénale.
Entrer en contentieux n’est pas une fin en soi. Le rôle des juristes d’entreprise est tout d’abord d’éviter les contentieux. Cependant le contentieux peut s’avérer une arme redoutable pour défendre les intérêts de l’entreprise.
Le retour d’expérience des juristes contentieux auprès de leurs collègues permet d’anticiper les risques judiciaires. Le choix des mots a son importance quand on sait qu’un contrat sera peut-être un jour lu par un juge qui ignore notre jargon industriel ou commercial ; le choix de la loi applicable, du mode de règlement du litige et de la compétence de la juridiction le sont aussi.
L’ensemble des juristes y veille.
Avantagé par sa connaissance de l’organisation, des métiers, des valeurs et des projets de son entreprise, le juriste doit, lorsque la planète judiciaire est en vue, réunir l’ensemble des faits, des éléments de preuve, et des arguments capables de fonder une action en justice, de s’en défendre ou de l’éviter. Il ne pourra connaître et gérer le dossier qu’avec son client en interne, lequel n’en est pas pour autant dépossédé.
Prévenir les litiges pour les éviter, les préparer pour mieux les porter et les résoudre pour les gagner sont des objectifs que le juriste d’entreprise n’atteint pas seul. Il est aussi le relais entre l’opérationnel et l’avocat. Son rôle pédagogique est double : faire connaître les exigences du droit à l’opérationnel, faire connaître l’entreprise aux avocats avec lesquels ils établissent un véritable partenariat.
Parfois la bataille s’engage ; elle demande du temps et de la disponibilité. La préparation du dossier est essentielle. Aucun ne ressemble à un autre et les juristes sont souvent confrontés à des situations inédites sans pouvoir se référer à la jurisprudence. Ils doivent alors faire preuve d’audace pour construire des démonstrations juridiques innovantes.
La recherche des preuves, doit se faire dans le respect des règles et les limites de son rôle, et les investigations internationales dans le respect des règles territoriales.
Lorsque le dossier le permet, la médiation constitue une alternative de résolution amiable d’un différend dans le but de poursuivre sereinement les relations commerciales.
Pour résoudre un litige en dehors des juridictions d’État, l’arbitrage, apprécié voire recommandé pour les litiges internationaux ou dans le cadre de joint venture, peut s’avérer être une arme redoutable.
Le risque de contentieux peut parfois donner lieu à des méthodes de règlement atypiques. Il en est ainsi lorsque la gestion de milliers de réclamations est imposée par la règle de droit.
Dans tous les cas il convient d’être rigoureux, de poser, au regard des faits, le problème de droit de manière précise et de répondre, pied à pied, aux arguments de l’adversaire sans en omettre aucun.
La méthode est la même en position de demandeur comme de défendeur.
Entrer en contentieux, c’est mettre en œuvre une stratégie qui doit prendre en considération des aspects économiques, culturels et sociaux qui seront pris en compte par le juge. Le grand art, c’est de les prévenir.
Anne-Marie Guillerme, Directrice juridique Grands Contentieux TOTAL
A propos
Cet article provient du numéro 11 de Juriste Entreprise Magazine (JEM), magazine de l'Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE) dont le dossier spécial est consacré au contentieux.
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