Des universitaires, avocats et magistrats s'inquiètent d'une « nouvelle banalisation des atteintes aux droits et libertés »

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Dans une note intitulée « Alerte sur une nouvelle banalisation des atteintes aux droits et libertés », un groupe d’universitaires, d'avocats et de magistrats, membres du « réseau de veille sur l’état d’urgence sanitaire », dresse une liste de plusieurs points d’inquiétude en matière d'atteintes aux droits et libertés liées à l'instauration d'un nouvel état d'urgence sanitaire et à leur risque de pérennisation.

Les auteurs et signataires de cette « *note d’alerte » s'adressent en premier lieu aux parlementaires afin de leur fournir des informations remontées du terrain et des éléments d'analyse juridique sur des dérives constatées ou possibles en cette période. Ils et elles appellent les parlementaires à jouer pleinement leur rôle pour rétablir l'équilibre des pouvoirs si nécessaire à la démocratie, et à faire preuve de la plus grande vigilance sur plusieurs points :

  • l’importance de limiter les atteintes aux droits et libertés aux seuls objectifs de lutte contre l'épidémie du COVID-19

  • la portée des ordonnances : depuis le 23 mars, trente-et-une ordonnances ont été adoptées par le gouvernement, or aucune ne concerne directement la situation sanitaire. Certaines d'entre elles, comme l'ordonnance relative à la matière pénale, sont porteuses d'atteintes durables et profondes aux droits des justiciables. Concernant cette ordonnance, Sarah Massoud, du Syndicat de la Magistrature, souligne sa nature « éminemment problématique au regard des atteintes durables et profondes qu’elle apporte à des droits essentiels ».
  • la nécessité pour les préfets et les maires de ne pas édicter des règles locales disproportionnées par rapport aux objectifs de santé publique. À l'heure actuelle, les auteurs de cette note d'alerte font le constat inquiétant qu’une partie importante du territoire national - notamment les espaces naturels - est actuellement interdite d’accès du fait de la multiplication de ces mesures locales aggravant les mesures nationales. Cette situation mérite de faire l’objet d’une évaluation critique au vu des risques de contamination dans de tels espaces.
  • la faiblesse du contrôle juridictionnel exercé par le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel. Pour Serge Slama, professeur de droit à Grenoble : « Le Conseil d’État a rejeté l’essentiel des requêtes au « tri » ou sans audience ou en considérant qu’il n’y avait pas d’atteinte manifeste ou d’urgence » en s'appuyant sur des « déclarations ou promesses du gouvernement, même en l’absence de tout élément de concrétisation ».

  • les problèmes posés par le délit du non-respect du confinement, « ovni juridique » ayant déjà conduit à de multiples verbalisations abusives et portant atteinte à des principes fondamentaux, dont le droit à un recours effectif et le principe de légalité des délits.

Au vu des dérives déjà constatées, les auteurs de la note demandent donc la mise en place d’un mécanisme de contrôle parlementaire efficient et indépendant, capable de produire ses propres analyses à partir des informations que le pouvoir exécutif doit transmettre à l’Assemblée nationale
et au Sénat.

Les auteurs estiment également que le risque de pérennisation des mesures attentatoires aux libertés au-delà de l’état d’urgence sanitaire est élevé. Pour Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit à Nanterre, « la dernière expérience de l’état d’urgence, déclenché à la suite des attentats de novembre 2015, a illustré de manière particulièrement vive la problématique de la banalisation du registre de l’exception dans les réponses des pouvoirs publics à des situations de crise ».

Alors que le flou demeure sur les conditions de levée de ce nouvel état d'urgence, que la fin de la pandémie mondiale du coronavirus reste également incertaine, Adélaïde Jacquin, avocate au barreau de Paris, a déclaré « En aucun cas l'État de droit et la démocratie en France ne sauraient supporter un confinement prolongé ».

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*Cette note a été rédigée conjointement par :

- Un groupe d’universitaires : Lisa Carayon (Univ. Sorbonne Paris Nord), Véronique Champeil-Desplats (Univ. Paris Nanterre), Stéphanie Hennette-Vauchez (Univ. Paris Nanterre), Olga Mamoudy (Univ. Valenciennes), Stéphanie Renard (Univ. Bretagne sud), Serge Slama (Univ. Grenoble),
- Sarah Massoud (Syndicat de la Magistrature)
- Me Adélaïde Jacquin, avocat au barreau de Paris (cabinet Vigo)

Co-signataires :

- Associations : Action Droits des Musulmans, Collectif des associations citoyennes, Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), Ligue des Droits de l’Homme, Observatoire des droits des citoyens itinérants, La Quadrature du Net
- Avocats : Me Arié Alimi, Me Nabila Asmane, Me Vincent Brengarth, Me Nabil Boudi, Me William Bourdon, Me Elise Cortay, Me Emma Eliakim, Me Emmanuel Daoud, Me Jérôme Karsenti, Me Raphaël Kempf, Me Jeanne Sulzer
- Syndicats : Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature
- Universitaires : Richard Banégas (Sciences Po-CERI), Marie-Laure Basilien-Gainche (Univ. Jean Moulin Lyon 3), Jacques Chevallier (Univ. Paris II), Christel Cournil (Sciences Po Toulouse), Emmanuel Dockès (Univ. Paris Nanterre), Charles-André Dubreuil (Univ. Clermont Auvergne), Jean-Philippe Foegle (Univ. Paris Nanterre), Thomas Hochmann (Univ. de Reims ChampagneArdenne), Jean-Manuel Larralde (Univ. de Caen Normandie), Julie Mattiussi (Univ. de Haute Alsace), Antoine Mégie (Univ. de Rouen), Eric Péchillon (Univ. Bretagne sud), Diane Roman (Univ. Paris I Panthéon Sorbonne), Michel Wieviorka (EHESS)


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