3 000 magistrats et une centaine de greffiers publient une tribune dans laquelle ils s'alarment de leurs conditions de travail et fustigent une « justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres »

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Dans une tribune publiée dans Le Monde, 3 000 magistrats et une centaine de greffiers dénoncent une justice qui les confrontent à un « dilemme intenable : juger vite mais mal, ou juger bien mais dans des délais inacceptables ».

« Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout », écrivent les auteurs de la tribune, évoquant une « justice qui maltraite les justiciables, mais également ceux qui œuvrent à son fonctionnement ». Ils regrettent une « vision gestionnaire de (leur) métier » et le manque de temps pour traiter les dossiers.
Ils citent le décès de leur collège Charlotte qui a eu eu « deux années de fonctions particulièrement éprouvantes »  à être « envoyée de tribunaux en tribunaux pour compléter les effectifs des juridictions en souffrance du Nord et du Pas-de-Calais ». Selon eux, « Charlotte n’est pas un cas isolé », ils évoquent notamment la multiplication des arrêts de travail, la « discordance» entre la volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de leur quotidien.

Dans un message adressé aux magistrats, fonctionnaires et agents des greffes, le directeur des services judiciaires (DSJ) Paul Huber reconnaît que pour répondre aux « tensions présentes dans le monde judiciaire », « il faut augmenter le nombre de magistrats et de greffiers ». Il rappelle que « près de 650 magistrats et 850 greffiers supplémentaires ont été affectés en juridiction sur le quinquennat. Et ce sont aussi, en moins d’un an, 2 100 personnes, dont 532 juristes assistants, qui ont été recrutées, soit une augmentation exceptionnelle de près de 12% des effectifs de première instance hors magistrats » et souligne que « le travail n’est pas terminé. Le garde des Sceaux a d’ailleurs dit vouloir poursuivre cet effort ». Enfin, il conclut en annonçant que le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, recevra « dans les prochains jours » une délégation des magistrats et greffiers signataires de la tribune et invitent magistrats et greffiers à participer aux Etats généraux de la justice au travers de la plateforme Parlons Justice.

Par ailleurs, le président du Conseil national des barreaux (CNB) Jérôme Gavaudan  a réagi à cette tribune : « C'est bien la première fois qu'autant de magistrats prennent la plume pour affirmer solennellement, à la face des pouvoirs publics et des citoyens, leur incapacité ou leur impossibilité, malgré leur bonne volonté et leur professionnalisme, à rendre la justice dans de bonnes conditions.
Ils font même part de ce que de nombreux avocats ont déjà constaté et avouent être dans de véritables « souffrances » au travail. C'est la même « souffrance » au travail que les avocats connaissent et c'est pour cela qu'ils sont extrêmement solidaires, d'abord parce que les juges osent enfin exprimer leur mal-être, mais aussi parce que cela permettra sans doute d'apaiser un certain nombre de tensions, les uns et les autres se reconnaissant dans la même souffrance.
Les avocats dénoncent ces conditions de travail indignes, le manque de moyens de la justice depuis de nombreuses années. Ils ont, disons, parfois le sentiment d'ailleurs d'être la variable d'ajustement qu'utilise l'institution judiciaire pour compenser les difficultés décrites par les magistrats. Nous sommes solidaires dans leur action, solidaires au profit de leur indépendance, car il ne peut pas y avoir de justice indépendante si les conditions de travail des magistrats ne sont pas correctes. Une bonne décision de justice nécessite une indépendance d'esprit, une indépendance de moyens et la possibilité d'entendre les avocats et les justiciables qui viennent présenter leurs causes. Le combat des magistrats est juste, il est bon, il est nécessaire et nous le soutiendrons.
 » (mise à jour du 25 novembre 2021)

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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