Elections du Conseil National des Barreaux : interview de Philippe Pericaud, CNA

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Le Monde du Droit a interrogé Philippe Pericaud, candidat aux élections du Conseil national des barreaux (CNB) sur la liste CNA.

Pourquoi vous présentez-vous au CNB ?

Notre profession est attaquée de toutes parts, sans doute comme jamais dans son histoire, nos relations avec les magistrats n’ont jamais été aussi difficiles tant elles remettent en cause notre exercice professionnel. Mon engagement syndical m’oblige plus que jamais à me mobiliser pour défendre la profession, avec conviction et détermination.

Quels sont les principaux axes du programme de la CNA ?

Nous avons, chevillés au corps, une ambition et un programme ambitieux portés par une équipe formidable. Notre projet repose sur 5 grands piliers qui vont nous nous permettre d'être acteurs de notre avenir et de redonner de l’espoir aux avocats :

Il faut d’abord sauver la défense, menacée par la déjudiciarisation de la profession et les atteintes portées à la plaidoirie, en restaurant le respect dû à l’Avocat et à sa fonction et en refusant le mouvement déjà enclenché vers une déshumanisation de la Justice qui sera gérée par des algorithmes et qui exclura l’avocat du débat judiciaire.

Il faut ensuite réaffirmer l’indépendance de nos cabinets, en soutenant les cabinets fragilisés par la crise sanitaire et en exigeant des pouvoirs publics qu’ils leur accordent les mêmes avantages fiscaux et sociaux qu’ils consentent aux autres entreprises.

L’indépendance de nos cabinets passe aussi par une réforme de l’article 700 CPC qui couvrirait l’intégralité des dépens et honoraires engagés, et par un refus de l’avocat salarié en entreprise afin d’éviter une profession à deux vitesses et pour maintenir le principe d’indépendance, valeur cardinale de notre profession.

Il y a lieu également de renforcer nos champs d’activités, en obtenant un véritable acte authentique d’avocat qui passera par l’octroi de la force exécutoire à l’Acte d’Avocat, en permettant un accès direct à l’action de groupe pour les avocats et en développant les nouveaux métiers du droit (mandataire en transaction immobilière, fiducie, lobbying, arbitrage…).

Nous voulons également créer un code de déontologie de la médiation.

Enfin, il faut rester vigilant pour défendre notre régime autonome de retraite.

Que souhaitez-vous apporter au CNB ?

La CNA, qui défend la profession depuis près d’un siècle et qui est à l’origine de nombreuses réformes majeures (aide juridictionnelle, création du CNBF, mise en état conventionnelle…) entend poursuivre son combat pour les Avocats.

Les défis de la prochaine mandature sont nombreux :

- Sauver la plaidoirie, en refusant que la procédure sans audience devienne la règle,

- Eviter la justice prédictive, en demandant l’abrogation du Décret portant création de la base de données DATAJUST,

- Face au chaos qui s’annonce pour nos cabinets avec RPVA2, toujours pas opérationnel et présentant de nombreux dysfonctionnements à un mois de sa mise en œuvre, exiger des pouvoirs publics son report afin d’éviter de nullités de procédure en cascade et des mises en jeu de nos responsabilités civiles,

- Poursuivre la procédure d’abrogation du Décret MAGENDIE que la CNA a engagée devant le Conseil d’Etat,

- Exiger des pouvoirs publics qu’ils valident les propositions de la CNA qui ont été retenues par la mission PERBEN : article 700, acte authentique d’avocat…

Comment envisagez-vous l'avenir de la profession d'avocat ?

La société est en pleine mutation et l’avocat se doit de s’y adapter, mais tout en veillant à ne pas transiger sur ses valeurs essentielles d’indépendance, de dignité, de probité et d’humanité.

Je ne doute pas que l’avocat y parvienne, comme il a su toujours le faire par le passé (réformes des conseils juridiques, suppression des avoués…).

Mais, attention, le changement doit être guidé par le seul intérêt du justiciable et non pas pour des raisons budgétaires.

Il n’est pas question d’accepter une ubérisation de notre profession.

Au contraire, le budget alloué à la Justice en France, qui est actuellement l’un des plus faibles d’Europe, doit être sensiblement augmenté.

Ne reproduisons pas l’erreur funeste qui a été commise avec le système de santé.

L’avocat de demain devra évoluer dans une Justice humaine et capable de rendre ses décisions dans un délai raisonnable.

J’ai beaucoup d’espoir dans les combats de la CNA pour y parvenir, car les avocats ne m’ont jamais paru aussi mobilisés et unis pour leur profession et, car je sais que ces combats sont justes puisqu’ils protègent l’intérêt des justiciables.

Propos recueillis par Yannick Nadjingar-Ouvaev


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