Le cabinet d'avocats d'affaires international Clifford Chance a annoncé la nomination de 29 associés dans l'ensemble de ses bureaux dans le monde, dont une nouvelle associée à Paris : Milica Zatezalo-Falatar. Elle répond aux questions du Monde du Droit.
Clifford chance vous a nommée en qualité d’associée. Selon vous, qu'est-ce qui a présidé à votre cooptation ?
Chez Clifford Chance l’association est un processus relativement formel, assez long, qui nécessite un véritable engagement personnel. Cela s’apparente un peu à un concours dans lequel un grand nombre de critères entrent en ligne de compte. On regarde de très près votre expertise dans le domaine juridique qui est le vôtre. On regarde aussi la reconnaissance de cette expertise par le marché, les relations nouées avec les clients, les dossiers que vous avez initiés et que ceux que vous traitez. Plus profondément, c'est une véritable cooptation : le cabinet s’intéresse évidemment à l’expert mais aussi à la personne, aux valeurs qui sont les siennes dans la pratique quotidienne de son métier.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Je n’ai pas commencé par le droit. Mon parcours m’a d’abord conduite à explorer la philosophie, l’économie, le russe aussi. Pour être honnête, je ne savais pas trop ce que je voulais faire au début de mes études. J’ai suivi un cursus en classe préparatoire à l’issue duquel j’ai intégré HEC. J’y ai découvert le droit et poursuivi ensuite avec des études de droit à Paris I. Après mes études, j’ai intégré l'équipe projet de Gide à Paris. J’en garde un très bon souvenir.
Par la suite, je me suis installée à New York pour des raisons personnelles. J’ai profité de cette occasion pour faire un LLM à la Columbia Law School et passer le barreau de New York en 2010. J'ai beaucoup apprécié cette expérience universitaire américaine.
De retour à Paris, j’ai voulu changer d’air. J’ai rencontré Daniel Zerbib et Tony Giustini qui m’ont proposé de rejoindre leur équipe… difficile de refuser une telle proposition. Cela fait maintenant un peu plus de 10 ans que je suis chez Clifford Chance.
Qui a le plus influencé votre carrière ?
Avant que je ne devienne avocate, deux de mes professeurs ont profondément marqué mon parcours.
Le premier est mon professeur de philosophie en prépa, François Fédier. Décédé récemment, je me permets de lui rendre ici un petit hommage. Il m’a appris ce que signifie « se mettre au travail » et m'a donné le goût du mot juste. Il nous apprenait à rechercher une forme de simplicité dans l'analyse des problématiques complexes, justement en remontant au sens premier, étymologique des mots – et pour moi qui évolue dans plusieurs langues, cela me parle beaucoup, cela crée des passerelles enrichissantes. Je retrouve tout cela dans mon métier d'avocat.
Le second est Karim Medjad, mon professeur de droit à HEC. Il est la première personne à m’avoir donné accès à l’univers du financement de projet, de la collaboration entre le public et le privé dans les secteurs clé de l'économie. Il m’a également sensibilisée aux difficultés de la transposition d’un régime ou concept d’un droit à l’autre. Souvent dans les pays émergeants, je vois s’opérer de tels "transplants juridiques" et ben souvent, c'est une mauvaise idée, non adaptée, sans analyse approfondie du contexte réglementaire local.
Depuis le début de ma carrière chez Clifford Chance, deux mentors m’ont accompagnée : Nicholas Wong et Nikolaï Eatwell. C’est avec eux que j’ai le plus travaillé ces dix dernières années. Assez différents l’un de l’autre, mais dont l'exigence, le dévouement et la générosité exceptionnels sont une source constante d'inspiration.
Quel est votre meilleur souvenir dans votre carrière ?
Souvent, le meilleur moment se répète pour moi et coïncide avec l’aboutissement d’un projet, par exemple lors de la signature d’une documentation ou la concrétisation d’un premier décaissement. Le financement de projet implique une coopération très longue - de 10 ans, 20 ans, parfois plus - entre des acteurs très variés. Il faut que chacun y trouve son compte. Il est important de savoir structurer de manière intelligente un équilibre qui fonctionne dans la durée. C’est d’autant plus important dans un contexte international, où le droit se mêle à des considérations culturelles et géopolitiques. Il faut être attentif à tout cela, c’est passionnant.
Cela crée des « instants » marquants que j’apprécie tout particulièrement. C’est le cas, par exemple, lorsque la partie « adverse » vient à la fin d’une opération ou d’une importante négociation vous remercier pour le travail réalisé.
Et au-delà de ces moments particuliers, le quotidien est pour moi source de satisfaction permanente : je suis entourée à tous les niveaux par des collègues d’un très grand talent et d’une très grande humilité aussi.
Qui conseillez-vous ?
Tous les acteurs impliqués dans le financement de projets : banques, institutions financières internationales, investisseurs, sponsors, gouvernements.
Ils forment une clientèle internationale qui intervient sur des projets innovants un peu partout dans le monde. C’est une grande chance de les accompagner et de grandir tous les jours un peu plus à leurs côtés.
Quels sont vos objectifs pour le cabinet ?
Nous vivons dans un moment passionnant pour tous les acteurs dans le domaine des infrastructures et de l'énergie.
La transition énergétique est une réalité : c’est un bouleversement, ce sont aussi de nouvelles opportunités et un vrai changement de paradigme, économique, juridique… et philosophique.
L’objectif est vraiment de pouvoir accompagner les clients et d’imaginer ensemble les contours et les structures de ce nouveau monde.
Propos recueillis par Emma Valet