22 propositions pour réformer le code du travail

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

Ærige avocats formule 22 propositions de réforme afin de moderniser le code du travail. Explications avec Henri Guyot, avocat associé, et Paul Caillard, élève avocat, à l’origine de ces propositions.

Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ces propositions de réforme du code du travail ?

Le droit du travail doit être un levier de compétitivité pour les entreprises. Or, au quotidien, nous observons certains freins qui pourraient être levés par des propositions pragmatiques. Le moment est propice. L'écosystème juridique est en ébullition. Les derniers arrêts sur les congés payés et arrêt maladie le démontrent. Le besoin de réforme est profond. Nous n’avons pas théorisé une grande révolution conceptuelle mais 22 propositions concrètes d’ajustements.

Quelles sont les motivations relayées par ces 22 propositions ?

Les propositions touchent aussi bien les relations collectives que les relations individuelles de travail. Trois principes ont guidé notre réflexion.

Un impératif d’égalité. On constate par exemple aujourd’hui une rupture d’égalité dans la prise en charge des frais de transports pour les salariés en situation de télétravail. De même, une homologation classique de la rupture conventionnelle des salariés protégés, sans autorisation, permettrait de réduire les délais d’instruction sans porter atteinte à leur protection.

Un impératif de modernisation. La régulation du droit de grève dans les secteurs cruciaux doit être renforcée. Dans les transports par exemple, les contraintes environnementales l’imposent. De même, il doit être tenu compte du développement du télétravail depuis l'étranger qui se développe de façon sauvage.

Un impératif de clarté. La répartition des compétences selon la taille des CSE, la gestion de la double activité des salariés ou l’articulation des procédures entre invalidité et inaptitude devraient être clarifiées. En levant les doutes, on desserrera les freins de la compétitivité des entreprises.

Comment ces motivations se traduiraient-elles concrètement ?

Nous vous donnons deux exemples.

La rupture conventionnelle des salariés protégés suppose une autorisation spécifique de l'inspection du travail. Pourtant, les deux parties sont volontaires à la rupture. La proposition vise à aligner la procédure applicable aux salariés protégés sur la rupture conventionnelle classique. L’homologation de la rupture permettra de s’assurer de l'accord mutuel entre employeur et salarié tout en assurant le salarié de ses droits. Cette réforme permettra de libérer du temps à l’inspection du travail pour se concentrer sur ses missions fondamentales (lutte contre le travail dissimulé, santé au travail…).

Une véritable rupture d’égalité de traitement se crée entre les salariés habitant loin ou à proximité de leur lieu de travail. Pensée alors que le télétravail n’existait pas, l’obligation de prendre en charge 50% des frais d’abonnement à un transport collectif peut constituer un avantage important pour un salarié ayant fait le choix de fixer son domicile loin de son lieu de travail. La proposition vise à réintroduire de l’égalité en limitant, sauf meilleur accord, la prise en charge à la zone gérée par l’autorité organisatrice de la mobilité au sein de laquelle est fixé le lieu de travail du salarié.

Vos propositions ne concernent que les entreprises ?

Non, ces propositions peuvent améliorer la situation de tous.

Les salariés revendiquent depuis plusieurs années une augmentation de leur pouvoir d’achat. Nous proposons l’instauration d’un bouclier social pour gommer les inégalités entre les entreprises dotées de systèmes de rémunération avantageux (intéressement, prime de partage de la valeur…) et celles n’en étant pas dotées. Chaque année, les salariés bénéficieraient d’une quote-part de 20% de leur rémunération qui serait net de cotisations sociales et d’impôts. Surtout, cela offrirait aux employeurs de la lisibilité en évitant le cumul actuel de dispositifs. 

Les usagers et les tiers à l’entreprise en grève expriment tous la nécessité de limiter les conséquences du mouvement sur leur situation depuis des années. La maturité des partenaires sociaux offre une opportunité. Nous proposons de négocier les 50 jours clés de l'année pendant lesquels le droit de grève serait suspendu pour assurer le bon fonctionnement de services essentiels. Les usagers pourraient ainsi être préservés lors des périodes critiques comme les départs en vacances. À défaut d’accord, l’employeur pourrait définir unilatéralement les 25 journées de libre circulation.

Comment envisagez-vous que vos propositions soient prises en compte ?

Nos propositions visent à contribuer au débat. Organisations patronales, parlementaires ou même le gouvernement peuvent s’en saisir. Peu importe le vecteur, l’objectif est de répondre à un besoin concret du monde de l’entreprise.

Quels seraient les facteurs de succès nécessaire à l’adoption de ces propositions ?

Évidemment le dialogue social. Le Code du travail a évolué depuis 2013 vers un meilleur équilibre entre les intérêts des entreprises et ceux des salariés grâce à la négociation collective. La discussion, l’exercice de conviction seront des facteurs clés pour s’assurer de la bonne compréhension, de l’acceptation et finalement de l’application de ces mesures.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier


Lex Inside - L’actualité juridique - Émission du 8 novembre 2024 :

Lex Inside - L’actualité juridique - Émission du 6 novembre 2024 :

Lex Inside - L’actualité juridique - Émission du 1er novembre 2024 :