Un récent article publié sur le site américain law.com observe et commente les changements de comportement des lateral partners (avocats associés qui sont recrutés par un autre cabinet au niveau associé) quand ils changent de cabinet. En effet dans la tourmente économique actuelle, certains cabinets ont déjà fait les frais de la crise, poussant les avocats à un nouveau niveau de vigilance lorsque ceux-ci se posent la question d’un changement de structure.
C’est ainsi que de plus en plus de ces lateral partners n’hésitent pas à poser des questions extrêmement détaillées sur les finances de la firme qu’ils s’apprêtent à rejoindre et ce dès les tous premiers entretiens. Il y a quelques semaines, l’implosion de la firme Heller Ehrman a entraîné une perte sèche de 400.000 à 500.000 $ pour chacun des associés. Ce cabinet de San Francisco avait été fondé il y a 118 ans et comptait, en 2007, 650 avocats répartis dans 13 bureaux. Il y a de quoi faire réfléchir. Pour de nombreux avocats, l’investissement personnel dans leur cabinet est souvent leur engagement le plus important après la résidence principale.
Les questions posées
Antérieurement, les interrogations des lateral partners se limitaient le plus souvent à un simple examen des comptes de la firme et du système de rémunération des associés. Maintenant les questions portent sur des éléments de plus en plus précis : les baux et leurs conditions particulières, les engagements détaillés des différents associés, l’endettement et la politique de recours à l’emprunt, les engagements de la firme pour les associés en fin de carrière... tant de questions qui sont à la fois révélatrices de la santé du cabinet concerné mais aussi de sa capacité à affronter des difficultés et réagir sans sombrer.
Les candidats n’hésitent plus à demander un inventaire précis du compte clients, leur permettant de juger de la qualité des factures émises et d’apprécier si l’ensemble de la facturation correspond réellement à du chiffre d’affaires recouvrable.
Quant aux réactions aux réponses à ces questions, les candidats lateral partners ne considèrent plus qu’une baisse limitée des profits distribués par rapport à l’année précédente constitue nécessairement un problème. Cependant, un cabinet qui a du avoir recours à l’endettement pour distribuer aux associés a de fortes chances de faire fuir les candidats potentiels.
La peur de la spirale
Des exemples récents aux Etats-Unis montrent que même les cabinets de très grande taille ne sont pas épargnés par cette méfiance car la taille n’est plus un argument suffisant pour rassurer. En effet, tous redoutent les effets de spirale qui peuvent s’enclencher en cas de grandes difficultés. Quand un cabinet d’avocats se délite et que des avocats commencent à quitter le navire, ils le font toujours en embarquant avec eux du chiffre d’affaires. Or, en pareil cas, il est très difficile de réduire les coûts suffisamment vite pour compenser la chute des recettes.
Il en résulte que certains avocats qui n’auraient jamais accepté un statut non equity, il y a à peine quelques mois, se déclarent ouverts à des discussions sur cette base avec leurs nouveaux cabinets d’accueil... les temps changent.
Une petite dose d'optimisme
L’article de law.com s’achève néanmoins sur une note moins morose en comparant les quelques défaillances de cabinets d’avocats survenues lors de l’explosion de la bulle internet avec les situations engendrées par la crise actuelle. La situation de fonds propres des cabinets d’avocats américains était meilleure en 2007 qu’elle ne l’était en 2000. Le taux de recouvrement des factures est également plus élevé pour 2007 que pour 2000. Ces éléments peuvent légitimement faire penser que les cabinets sont plutôt bien armés pour affronter cette crise.
De nombreuses structures n’ont aucun endettement et n’ont eu récemment à recourir à aucune ligne de crédit. Ces cabinets qui ne sont pas endettés n’ont pas toujours été les plus rémunérateurs au cours de la période faste de ces dernières années mais leur sagesse est maintenant un argument majeur dans leur attractivité.