Il y avait du monde autour de la table le 17 septembre dernier au " point presse " de la Chambre des Notaires de Paris. En effet, en à peine quelques mois, le vent a tourné et, une fois n’est pas coutume, les notaires semblent malmenés. Seraientils menacés par les travaux de la Commission Darrois ?
Au mois de mai, Rachida Dati félicitait les notaires pour leur réactivité. En effet, réagissant à la fois au rapport Attali et aux pressions européennes, les notaires avaient décidé d’élargir l’accès à la profession avec l’engagement ambitieux d’augmenter de 20% le nombre de notaires en quatre ans. Les notaires savent se mobiliser, ils savent parler d’une seule voix et ils savent même taire les rivalités entre la Chambre de Paris et le Conseil Supérieur quand les intérêts de la profession sont en jeu ... on ne peut pas en dire autant des avocats. Pourtant, ces derniers semblent avoir, sans même le faire exprès, marqué des points précieux au cours de ces derniers mois.
Pour les avocats, il ne fait aucun doute que la " Grande profession du droit " évoquée dans la mission de la Commission Darrois est la profession d’avocat dans laquelle viendraient se fondre – à certaines conditions – les membres des autres professions juridiques. Le métier de notaire deviendrait une simple spécialité dans la nouvelle profession élargie d’avocat. Approche logique si on considère que les avocats sont cinq fois plus nombreux que les notaires ? En réalité le poids économique des notaires est de 6 Mds € et 60.000 professionnels contre 9Mds € et 90.000 professionnels pour les avocats si on compte l’ensemble du personnel des études notariales et des cabinets d’avocats. Faut-il cependant rappeler que dans le chiffre d’affaires revendiqué par les avocats, une part non négligeable est réalisée au profit de cabinets anglais ou américains.
Le bras de fer s’annonce serré. Les notaires veulent conserver leur spécificité et rappellent que sur 27 pays européens, il y en a 21 qui ont une profession notariale. Ils savent néanmoins qu’un processus est en marche et que le gouvernement veut clarifier et simplifier le recours aux professionnels du droit. Pour les notaires, les améliorations passent par l’interprofessionnalité. Les avocats ne font pas la même analyse car ils imaginent sûrement récupérer une partie du gâteau notarial qui ferait tant de biens aux avocats des petites villes, déjà ébranlés par la réforme de la carte judiciaire.
Mais au-delà des combats que vont se livrer les représentants de ces professions d’ici la fin de l’année pour faire pencher la Commission, une question essentielle demeure : les pouvoirs publics peuvent-ils se passer d’un notariat fort ? Dans le fonctionnement actuel de la France, le notaire est un relais indispensable de l’Etat auprès du citoyen mais également auprès des collectivités locales dans des domaines de compétence très précis.
"La Commission Darrois ne suivra pas le CNB ", estime Jean-François Humbert, Président de la Chambre des Notaires de Paris. " Nous sommes sereins ". Tant mieux pour les notaires si tel est leur état d’esprit. Il n’en demeure pas moins qu’un chapitre se joue dans l’histoire du notariat et qu’à la fin de l’année l’avocat qui préside la Commission remettra son rapport à un autre avocat, le Président de la République.