Le baromètre 2019 des rémunérations des directions juridiques et des juristes d'entreprise témoigne de la satisfaction personnelle des directeurs et juristes d'entreprise et révèle une hausse des salaires.
La nouvelle enquête sur les juristes d'entreprise et leur rémunération, menée par Squaremetric pour le compte de l’AFJE et du Cercle Montesquieu, vient d’être dévoilée. Elle met en exergue une hausse globale des rémunérations et confirme l'attractivité de la profession.
« Ce qui m’a frappée dans cette enquête, c’est la concordance des différentes données démontrant l’attractivité croissante des métiers juridiques en entreprise, commente Laëtitia Ménasé, directrice juridique chez Canal +. Elle met également en évidence que ces métiers constituent un vrai choix de carrière, assumé, avec des trajectoires balisées. J’ai été particulièrement étonnée et réconfortée par le niveau de satisfaction des juristes dans l’exercice de leur métier. »
Des salaires en hausse
En 2019, le salaire médian est de 64.000 € (+5 000 € par rapport à 2015, soit un peu plus de 8 % d’augmentation). La moyenne de la rémunération des juristes en France est, quant à elle, de 78 512 € contre 67 791 € en 2015 (soit près de 16 % d’augmentation). À noter que les postes à responsabilités et de direction ont plus largement bénéficié de la croissance des salaires sur les quatre dernières années.
« Ce niveau d’augmentation semble être la conséquence logique de l’accroissement du périmètre d’intervention des directeurs juridiques, considère Pierre Leguy, responsable juridique et Data Protection Officer chez Adot. J’y vois aussi le reflet de la place de plus en plus stratégique de la fonction juridique et du droit dans l’entreprise. On peut néanmoins regretter la faible augmentation des salaires des juniors qui peut contribuer à impacter négativement l’attractivité du métier. »
Quoi qu’il en soit, 51 % des juristes se disent davantage satisfaits de leur rémunération actuelle qu’il y a quatre ans (+ 19 % !). En 2018-2019, l’augmentation médiane des juristes en France est comprise entre 2 et 3 %. Près d’un juriste sur cinq indique néanmoins ne pas avoir été augmenté sur les 12 derniers mois.
Cette proportion de juristes sans augmentation tend à se réduire d’année en année : de 26 % en 2015, ils sont seulement 22 % en 2019.
La performance individuelle est le critère clé qui justifie l’augmentation de salaire pour un quart des juristes en France. Néanmoins, des disparités dans les processus d’évaluation existent, principalement selon la taille des entreprises. Dans les plus petites structures, le critère discrétionnaire est généralement celui qui prime.
En 2019, 82 % des juristes ont reçu une part variable (bonus, prime, 13ème mois…). La médiane de la part variable est comprise entre 6 % et 10 % de la rémunération annuelle.
Les écarts de salaire entre femmes et hommes persistent mais tendent à s’estomper pour les nouvelles générations
L'étude montre également que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont compris entre 10 et 14 %.
La situation est stable depuis 2015 mais elle évolue : les nouvelles embauches révèlent une meilleure égalité salariale.
La convergence des salaires profite enfin aux jeunes générations : en 2019, pour un premier emploi de juriste avec une expérience de moins d’un an, le salaire moyen à l’embauche d’un juriste est de 36 360 € pour une femme et de 36 100 € pour un homme.
Environnement de travail
Les directions juridiques soulignent leur satisfaction professionnelle. 90% des directrices et directeurs juridiques manifestent leur intérêt pour leur poste, et, 95% apprécient leur autonomie et les responsabilités qui leur sont confiées.
Un sentiment d’autonomie et de responsabilité qui est partagé par les responsables juridiques (92%) et les juristes (84%).
« Les équipes juridiques de nos entreprises sont tout à fait conscientes de leur position et leur vision holistique des problématiques leur permet souvent d’adresser une question sous tous ses angles. Il est fréquent que nos juristes soient choisis comme chef de projet des projets transverses », observe Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu.
Il ressort de l’étude que l’organisation du travail des juristes repose globalement sur l’expertise et l’autonomie dans leur sphère de compétences.
D’ailleurs, les dirigeants des départements juridiques estiment à 75% que les équipes sont bien managées. Cette impression est en demi-teinte pour l’ensemble des juristes, pour lesquels 54% des responsables juridiques pensent que c’est le cas, et seulement 37% des juristes approuvent.
Fidélité des juristes d'entreprise à leur entreprise
Les juristes d’entreprise sont fidèles à leur entreprise Entre 2015 et 2019, les juristes ont peu changé d’employeur. En 2019, ils sont 77 % à posséder plus de trois ans d’ancienneté dans leur entreprise (+ 4 points). Les parcours sont donc relativement stables sur ces dernières années. Plus de la moitié des directrices et directeurs juridiques (56 %) possèdent au moins huit ans d’ancienneté dans leur entreprise. « Cette fidélité n’est pas la résultante d’un marché du travail en berne, précise Laëtitia Ménasé. Au contraire, le marché de l’emploi cadre est très tendu et profite notamment aux profils ayant une séniorité de trois à sept ans. » « La fidélité s’explique aussi par la nature même des missions des juristes, qui s’inscrivent dans la durée, estime Pierre Leguy. Les dossiers sont parfois longs à mener et à voir aboutir. Les mouvements ou le rythme d’évolution sont donc potentiellement plus longs que dans d’autres fonctions. »
Ainsi, une majorité de juristes n’envisagent pas d’évolution professionnelle dans l’année à venir. Le baromètre de 2015 soulignait la forte motivation des juristes quant à l’amélioration de leur niveau de rémunération. C’est dans ce contexte que 47 % des juristes dans leur ensemble envisageaient une évolution professionnelle dans l’année à venir. Quant aux directeurs juridiques, seulement 31 % d’entre eux expriment le projet d’un changement professionnel pour 2019-2020, et de préférence pour un employeur en France (26,5 %). Les directions juridiques de petites structures forment davantage le projet de changer d’employeur que dans les grandes entreprises.
Le métier de juriste d’entreprise séduit de plus en plus d’avocats
Commencer sa carrière en cabinet d’avocats avant de rejoindre l’entreprise est un phénomène en progression. Les avocats représentaient 19 % des juristes d’entreprise en 2015 ; ils sont près d’un quart en 2019. 31 % des directeurs juridiques déclarent être titulaires du CAPA.
La plupart des "juristes-avocats" choisissent de quitter la profession d’avocat après trois à huit ans d’expérience. « C’est à cet âge-là que l’on commence à se poser des questions et potentiellement faire des arbitrages professionnels au regard de sa vie personnelle, surtout pour les femmes, estime Laëtitia Ménasé. Quitter la robe pour devenir salarié d’une entreprise, c’est faire le choix d’une carrière passionnante et d’une vie plus stable. On assiste à une perméabilité plus importante entre ces deux manières d’exercer, dans un sens comme dans l’autre. Ces passerelles ne peuvent être que bénéfiques car elles représentent un enrichissement professionnel certain. »
Les avocats rejoignent l’entreprise au milieu de leur carrière : en 2019, 1/3 des juristes âgés de 30 à 44 ans sont titulaires du CAPA. Phénomène générationnel, les juristes de plus de 45 ans sont moins nombreux à posséder la capacité à la profession d’avocat : un quart d’entre eux seulement déclarent être titulaires de cette capacité d’avocat. Quant aux juristes les plus jeunes (moins de 34 ans), ils représentent des professionnels qui font le choix d’entrer directement dans l’entreprise après leurs diplômes de droit, sans diplôme d’avocat. Le métier de juriste d’entreprise est alors perçu comme une vocation pour les plus jeunes et une véritable évolution de carrières pour les plus expérimentés.
« Ces chiffres témoignent de la grande proximité entre deux différents modes d’exercice d’une même profession : avocat externe et juriste interne exercent le même rôle de conseil au bénéfice d’un client unique : l’entreprise », commente Laure Lavorel.
Féminisation de la profession
Le juriste masculin, un profil qui se raréfie ! En 2019, deux tiers des juristes d’entreprise sont des femmes ! La proportion de femmes dans la profession de juriste d’entreprise a fortement progressé en 10 ans, passant de 56 à 68 % (+ 12 points). La féminisation de la profession est une tendance de fond qui ne faiblit pas. En 2019, les juristes de moins de 30 ans sont très majoritairement des femmes (plus de 81 %, + 10 points en 10 ans). Quelle que soit la tranche d’âge, y compris celle des juristes de plus de 55 ans, les hommes demeurent minoritaires.
Spécialisation
La tendance est à la spécialisation même si une majorité des juristes d’entreprise restent généralistes
64 % des juristes indiquent occuper une fonction généraliste au sein de leur organisation.
Entre 2015 et 2019, la population des experts dans un domaine du droit a légèrement augmenté (+ 3 points en quatre ans), ce qui suggère une tendance à la spécialisation de la fonction de juriste en entreprise. Près d’un juriste-cadre sur deux s’identifie comme un spécialiste. Les directrices et les directeurs juridiques, quant à eux, sont polyvalents et 85 % déclarent gérer des dossiers généralistes. Ils sont seulement 15 % à être spécialisés dans un domaine spécifique.
Les spécialités les plus courantes chez les juristes sont : le droit des contrats (13%), le droit social (12%), le droit des sociétés (10%), le droit des NTIC (8%), la propriété intellectuelle (7%). A noter que 6% des juristes indiquent être spécialistes de la conformité.
Age
En 2019, l’âge médian des juriste d’entreprise est de 40 ans. En comparaison, cet âge médian était de 39 ans et 36 ans dans les enquêtes de 2015 et 2008.
Avec un échantillon plus précis en 2019 sur les postes de direction juridique, les chiffres font mieux apparaître que les juristes de plus de 40 ans sont plus nombreux que les plus jeunes aujourd’hui. La proportion de juristes de plus de 40 ans est composée aujourd’hui de 53% des membres de cette profession contre 47% pour les moins de 40 ans.
Toutefois, la profession est bien homogène par tranche d’âge. En effet, la répartition équilibrée des jeunes juristes et juristes expérimentés indique
que les juristes juniors inscrivent davantage leur carrière dans la durée avec des perspectives de progression régulière dans le temps. Par ailleurs, les juristes constatent que leur profession se pérennise et se renouvelle mieux en fonction des besoins continus des entreprises.
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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