Jean Tarrade, Président du Conseil supérieur du notariat, revient sur le "rassemblement des notaires" qui aura lieu ce mercredi 17 septembre 2014 Place de la République à Paris, à partir de 14 heures pour protester contre la réforme du notariat. Selon lui, "la bonne réforme serait celle qui offrirait aux usagers du droit un tarif simple, lisible, et rendant le service public notarial accessible au plus grand nombre".
Qu’est-ce qui a motivé ce mouvement grève ?
Ce n’est pas à proprement un mouvement de grève, mais un rassemblement des notaires de France et de leurs collaborateurs à Paris, place de la République, et en province devant les préfectures.
Ce qui l’a motivé, c’est l’exaspération des notaires qui, depuis six mois sont dans l’incertitude d’une réforme annoncée sans qu’aucun véritable projet ait été porté à leur connaissance, alors que seul un rapport de l’Inspection Générale des Finances a été diffusé dans les médias.
Les conclusions de ce rapport laissent entrevoir un bouleversement profond de notre système de droit continental, en ce qu’il dénature la notion de délégation d’autorité publique.
Maillage territorial, périmètre de l’authenticité, composition du capital des sociétés de notaires, caractère redistributif du tarif etc. semblent remis en cause.
Pourquoi êtes-vous hostile à l'ouverture de la profession de notaire à la concurrence ?
La fonction notariale n’est pas, par essence dans la concurrence : les notaires sont, comme les juges, nommés par les pouvoirs publics, pour assurer le service public de la justice non contentieuse, en fonction d’un maillage territorial fixé par l’Etat, tout comme est fixée la carte judiciaire.
Au regard de la construction européenne, le notariat n’est concerné ni par la directive services, ni par la directive sur les qualifications professionnelles, à raison de la délégation d’autorité publique qui est la sienne.
Les prestations assurées par les notaires ne sont pas des services marchands ; elles ne sont pas dans le commerce, et donc non soumises à la concurrence.
Vous indiquez que contrairement à l'objectif affiché la réforme conduira à une augmentation du coût des actes, pouvez-vous nous expliquer ?
Il semble que la réforme veuille introduire la notion de concurrence dans notre tarif. Le client pourrait donc négocier le coût de la prestation.
Cela aurait pour conséquence première la suppression de l’obligation d’instrumenter ; aujourd’hui, un notaire ne peut refuser de prêter son concours, même si l’acte qui lui est demandé doit être facturé à un prix dérisoire comme c’est le cas de nombreux actes.
Le tarif – fixé par l’Etat – est en effet établi de façon à être "redistributif", ce qui signifie que la majorité des actes sont facturés en dessous de leur prix de revient, les actes les plus importants permettant d’assurer la production des actes les plus modestes.
C’est en cela que le tarif est social et permet aux moins fortunés d’accéder au service public notarial dans des conditions acceptables.
Vous affirmez également que la réforme conduirait à la destruction de 10.000 emplois au sein des études notariales, n'est-ce pas exagéré ?
Il a été proposé de dissocier la fonction de rédaction de celle d’authentification. Les actes seraient donc établis par d’autres professionnels, puis ensuite présentés au notaire pour être authentifiés.
Nous employons environ 48.000 personnes : il n’est pas déraisonnable de penser que si les actes n’étaient plus rédigés par les notaires, nous devrions licencier le cinquième de nos effectifs…
Enfin, quelle serait la bonne réforme selon vous ?
La bonne réforme serait celle qui serait respectueuse de notre système de droit civil, qui est dans notre culture, et qui est l’un des éléments de notre civilisation.
La bonne réforme serait celle qui tout en facilitant l’accès de jeunes diplômés à la fonction assurerait un maillage territorial évitant la désertification juridique.
La bonne réforme serait celle qui permettrait à l’Etat de faire des économies en contractualisant avec ses officiers publics des objectifs de service public dans les domaines de la justice et de la publicité foncière.
La bonne réforme serait celle qui offrirait aux usagers du droit un tarif simple, lisible, et rendant le service public notarial accessible au plus grand nombre.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier