Arnaud Dumourier, Directeur de la Rédaction du Monde du Droit, a interrogé Pierre François, Avocat associé au sein du cabinet Pinsent Masons, sur les enjeux juridiques du crowdfunding ou financement participatif.
Le crowdfunding n'a pas encore de définition juridique monolithique. Le crowdfunding est totalement multiforme : crédit gratuit, crédit contre paiement d'intérêt, don avec ou sans contrepartie, proposition de souscription d'actions ou d'obligations. Il s'agit avant tout d'un mode de financement alternatif aux modes de financement classiques (banque ou marchés de capitaux).
Pour définir la notion de crowdfunding, Pierre François se réfère aux aspects opérationnels du système, c'est-à-dire un système de financement alternatif proposé uniquement via Internet par des bailleurs de fonds, où l'affectif pour le projet financé a une place très importante. L'affectif est l'un des avantages du système pour les opérateurs qui ont recours à ce système. En effet, avec le crowdfunding, les opérateurs peuvent s'assurer de l'intérêt de la clientèle pour le projet à venir.
Même en l'absence d'une définition juridique, chacun des modes de financement proposés par le crowdfunding entre dans le champ d'une catégorie juridique existante, soumise à des règles juridiques précises. On peut, par exemple, analyser le don sans contrepartie comme une activité de service de paiement, où la plateforme collecte l'argent en vue de le redistribuer au bénéficiaire du financement. Si on prend l'exemple du crédit, il s'agit d'une activité bancaire soumise au monopole bancaire. Enfin, pour ce qui est de l'investissement, on est dans le domaine du service d'investissement.
Aujourd'hui les opérateurs du crowdfunding estiment que cette réglementation différenciée selon le type de financement est inadaptée. Sur le projet de réforme du crowdfunding, Pierre François considère qu'il est louable de vouloir mettre en place un régime juridique propre au crowdfunding, sachant qu'il faut se poser la question de l'objectif de cette réforme juridique.
Ainsi, la réforme semble avoir pris deux orientations ambivalentes : une logique d'encadrement strict de monopoles existants, notamment sur les aspects bancaires et une volonté de donner un contenu juridique spécifique permettant à cette activité de se développer en tant que nouvelle activité et nouveau métier, notamment au travers de la proposition de création du métier de conseiller d'investissement participatif.
Cette réforme devra également prendre en compte une autre problématique, celle de l'insertion de cette nouvelle réglementation dans un contexte international. Pour Pierre François, la consultation lancée par la Commission européenne le 3 octobre 2013 constitue le réel point de départ de la mise en place d'un régime juridique efficace pour le développement du crowdfunding.