Une anomalie intellectuelle doit alerter la banque

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Amené à déterminer les responsabilités respectives de la banque et du donneur d’ordre dans le cadre d'une opération frauduleuse, le tribunal de commerce de Paris condamne la première, intervenue dans l’exécution de virements frauduleux, à en indemniser l’initiateur : elle n'a pas détecté d’éventuelles anomalies intellectuelles en vertu de l’obligation de vigilance qui lui incombe.

Dans le cadre d’un investissement dans un établissement médicalisé pour personnes âgées situé en Espagne, un particulier a demandé à sa banque d’adresser deux virements de 90.000 € et 15.070 € au promoteur de cette opération.
L'investisseur s'est aperçu que les factures de cette société, à l’origine de ces virements, étaient des faux et n'a en tout état de cause pas reçu les loyers attendus de son investissement.

Après que la maison mère du promoteur a reconnu l’usurpation d’identité de sa filiale, l'investisseur a saisi le tribunal de commerce de Paris d’une action tendant à être indemnisé par sa banque à hauteur de 75 %, de son préjudice correspondant à sa perte de chance de ne pas contracter ou de ne pas avoir pu renoncer à cette opération.
La banque lui a opposé les dispositions des articles L. 133-6 et L. 133-13 du code monétaire et financier, soutenant qu’il était de son devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client et qu’il appartenait à ce dernier de se renseigner sur la fiabilité des interlocuteurs auxquels il avait fait appel, les ordres litigieux étant, au surplus, réguliers.

Dans son jugement rendu le 19 juillet 2024, la première chambre du tribunal de commerce de Paris considère que l’absence de lien de droit entre l’émetteur des factures litigieuses et les bénéficiaires des virements constitue une anomalie intellectuelle qui aurait dû attirer l’attention de l'investisseur mais également celle de la banque, a fortiori pour le second virement dont le bénéficiaire était différent du premier, justifiant sa condamnation à indemniser la victime du détournement.
Toutefois, si le préjudice total est certain pour l'investisseur, compte tenu de son incapacité à récupérer les sommes qui lui ont été soustraites, il n’est pas démontré que ce dernier n’aurait pas procédé aux virements litigieux si son attention avait été attirée par la banque sur cette anomalie.
Dès lors, les juges estiment que la perte de chance doit ainsi être limitée à 50 % du montant des sommes transférées par la banque, au lieu des 75% demandés par le requérant, la rapidité et la légèreté de la façon dont l'investisseur, chef d’entreprise, a contracté avec le promoteur témoignant d’une témérité particulière et étrangère à celle qu’on est en droit d’attendre d’une personne raisonnable placée dans une situation analogue.

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