Le contentieux en question est un pur litige de droit du travail.
La presse a relaté que le 13 décembre 2011, la formation de référés du conseil de prud'hommes de Lyon avait débouté Claude Puel de ses demandes de condamnation à l'encontre de son ancien employeur l'Olympique Lyonnais au titre des dommages et intérêts d'un montant équivalent aux salaires restant dus jusqu'au terme de son contrat à durée indéterminée (3,3 millions d'euros bruts) et en réparation de son préjudice moral et professionnel (1,65 millions d'euros bruts).
La complexité de la réalité juridique n'est pas propice à résumer en quelques lignes la réponse à une question simple : qui a gagné ce match devant les tribunaux ?
Il sera surtout constaté qu'il n'est pas aisé de considérer que le juge des référés donne définitivement raison à l’une ou l'autre des parties, sa décision étant par nature provisoire.
L'auteur de ces quelques lignes a souhaité rappelé quelques règles juridiques qui entourent la procédure de référé devant le Conseil de prud'hommes et la rupture anticipée du contrat à durée déterminée d'un salarié dans le secteur du football professionnel.
1. Synthèse des règles afférentes à la procédure de référé devant le Conseil de prud'hommes
Il résulte des dispositions de l'article R. 1455-5 du Code du travail que :
« Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse …».
La demande d'intervention du juge des référés sur le fondement de l'article R. 1455-5 du Code du travail suppose la réunion de deux conditions cumulatives, la première tenant à l'urgence de la situation et la seconde, à la nature de la mesure sollicitée qui ne doit pas se heurter à une contestation sérieuse ou qui doit être justifiée par l'existence d'un différend.
En posant comme principe que le juge des référés « n'est pas saisi du principal », l'article 484 du Code de procédure civile lui interdit de se prononcer sur le fond du droit des parties.
Dès lors qu'il existe un doute, si faible soit-il, sur le droit invoqué par le demandeur et, par suite, sur le sens dans lequel le juge du fond pourrait être amené à trancher, le juge des référés doit en principe en déduire l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à ce qu'il se prononce sur la mesure sollicitée.
Par ailleurs, l'article R. 1455-6 du Code du travail précise que :
« la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire la mesure conservatoire ou de remise en état qui s'impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite (…) ».
Ainsi, la compétence de la formation de référé du Conseil de prud'hommes ne peut être retenue que dans deux hypothèses, à savoir:
- dans tous les cas d'urgence mais à condition qu'aucune contestation sérieuse ne puisse être soulevée, ou
- en présence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.
Le « trouble manifestement illicite » est défini en jurisprudence comme étant un trouble d'une totale évidence, avéré par les faits.
Plus précisément, selon la doctrine, la constatation du trouble manifestement illicite suppose « que soient établies à la fois l'existence d'un acte qui ne s'inscrit manifestement pas dans le cadre des droits légitimes de son auteur et celle d'une atteinte dommageable et actuelle aux droits et aux intérêts légitimes du demandeur » (P. Estoup, La pratique des procédures rapides, n° 88 et s., Litec, 2ème éd.).
Après lecture de cette synthèse des textes, deux constats simples s'imposent. Le premier, c'est qu'en déboutant Claude Puel de ses demandes, la formation de référés du Conseil des prud'hommes de Lyon a constaté que le non paiement des indemnités réclamées ne paraissait pas être constitutif d'un trouble manifestement illicite et ne revêtait à tout le moins pas un caractère d'urgence.
2. La rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée d'un entraineur dans le secteur du football professionnel est soumise àux dispositions du code du travail
En application de l'article 1243-8 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.
La jurisprudence des tribunaux rappelle que les dommages-intérêts précités constituent une réparation forfaitaire minimum qui ne peut subir aucune réduction Cass. soc. 31 mars 1993 n° 89-43.708, Cass. soc. 23 janvier 2001 n° 99-41.037, Nusbaumer c/ SA des Bazars Duraincy).
La jurisprudence admet la possibilité pour le demandeur de saisir le juge des référés. Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt en date du 9 mars 1999 a confirmé la compétence du juge des référés pour l'allocation au profit du salarié d'une provision sur le montant des dommages et intérêts (Cour de cassation chambre sociale 9 mars 1999 n° 98-40.178 Association accueil familial spécialisé).
Plus généralement, l'analyse de la jurisprudence révèle que :
- la faute grave n'est que très rarement reconnue par les tribunaux (V. H. BLAISE, De la difficulté de rompre avant son terme le contrat de travail à durée déterminée, Dr. soc. 1993.41).
- l'application de règles spécifiques de la Charte du football professionnel qui vaut convention collective, lorsque leur contenu est notamment moins favorable pour le salarié que les dispositions précitées du code du travail sont purement et simplement écartées par la Cour de cassation (Cass. soc. 23 mars 1999, Olympique de Lyon et du Rhône c/Bare, Cass. soc. 20 mars 1990, Perais c/Football club de Grenoble, Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation. V, n° 121).
En l'espèce, le juge des référés du Conseil de prud'hommes de Lyon s'est déclaré purement et simplement incompétent pour statuer sur le litige initié par le salarié.
Une telle décision peut se révéler quelque peu étonnante pour le non praticien du contentieux du droit du travail et ce, notamment au regard des règles juridiques précitées.
Néanmoins, l'expérience de l'auteur de ces quelques lignes révèle que les formations de référé des conseils de prud'hommes sont très rarement saisies de montants exprimés en millions d'euros. Le juge des référés quelque soit les règles qui s'appliquent à lui est avant toute chose le juge des rappels de salaires et la plupart du temps pour des montants qui ne dépassent pas quelques milliers d'euros bruts. Ce juge en présence d'une argumentation suffisamment développée de la part de l'employeur sera souvent favorable à une analyse du dossier par le juge du fond.
Néanmoins, quelque soit le sens de la décision, il ne peut pas être considéré compte tenu de la décision annoncée par le conseil de Claude Puel de saisir les juges du fond du Conseil de prud'hommes de Lyon, que le match est perdu ou gagné par l'une des parties. En réalité, en l'espèce, le demandeur perd à l'issue de la première mi-temps, mais il en reste une seconde et des prolongations (Cour d'appel) voire un match retour (Cour de cassation et Cour d'appel de renvoi) sont possibles.
David Jonin, Avocat, Gide Loyrette Nouel
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