Stephan Lesage-Mathieu, avocat associé du cabinet GGV, et Chantal Durand, Avocate, Collaboratrice, GGV, proposent une tribune sur l'interprétation des clauses contractuelles à la lumière de la réforme du droit des contrats.
Après plusieurs mois de débats, la loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a été publiée au Journal Officiel du 21 avril 2018. Sa mise en œuvre dans le temps pose de nombreuses questions pratiques.
Application de la loi dans le temps : une combinaison de règles
Le régime juridique applicable au droit des contrats résulte désormais d’une combinaison de règles issues de la loi de ratification, de l’ordonnance et du droit antérieur.
La loi de ratification entrera en vigueur le 1er octobre 2018. Lorsqu’ils revêtent un caractère substantiel, les nouveaux articles qui sont issus de la loi seront applicables aux actes juridiques conclus à compter de cette date.
Les actes conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 resteront soumis à l’ordonnance. Toutefois, à compter du 1 er octobre 2018, les articles interprétatifs de la loi leurs seront rétroactivement applicables.
Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeureront quant à eux soumis au droit antérieur, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.
On constate donc que le droit applicable à un contrat dépend en premier lieu de sa date de conclusion. Cela a pour conséquence immédiate qu’une attention toute particulière devra être portée à la nature juridique de l’acte concerné : par exemple, le "renouvellement" implique la naissance d’un nouveau contrat, tandis que la "prorogation" entraine la survivance du contrat. Plus délicate encore est la question de l’"avenant", selon que les modifications qu’il porte sont substantielles ou accessoires.
Les clauses contractuelles peuvent être interprétées "à la lumière" du nouveau droit des contrats
La Cour de cassation a récemment fait évoluer le droit des obligations en interprétant les clauses contractuelles d’un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de la réforme "à la lumière" du nouveau droit des contrats.
Par un arrêt du 24 février 2017, la Cour a en effet apprécié la validité d’un mandat d’agent immobilier au regard du nouvel article 1179 du code civil, sur la différence entre nullité absolue et nullité relative. Elle a récidivé dans un arrêt du 21 septembre 2017, en distinguant l’offre de la promesse unilatérale de contrat de travail.
Plus récemment, dans un arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation a retenu une nouvelle solution jurisprudentielle sur la portée de la résolution du contrat de vente sur les clauses limitatives de responsabilité au regard du nouvel article 1230 du code civil.
En se référant expressément à la réforme, la Cour de cassation répond aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme, en donnant les raisons substantielles du revirement lorsque celui-ci peut porter atteinte à la sécurité juridique.
Dr. Stephan Lesage-Mathieu, Associé, GGV Avocats à la Cour, Avocat au Barreau de Paris , Dr. iur. (Univ. Heidelberg) et Chantal Durand, Avocate, Collaboratrice au sein du cabinet GGV.