Virginie Bounot, Avocate chez Concilor, nous parle des partenariats en recherche et développement et du lancement d'une évaluation par la Commission européenne.
Un partenariat R&D est une entente régulée admise entre entreprises et/ou laboratoires de recherche publique pour développer des technologies, produits, services à destination de marchés concurrentiels cibles.
Janvier 2019 : la CE annonce une évaluation globale, via un bilan de qualité, des règles de l’UE en matière d’aide d’Etat (http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-182_fr.htm) principalement régies, pour les aides à la RDI, par l’encadrement communautaire éponyme du 01.07.14 (sans durée fixée), le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) du 17.06.14 expirant le 31.12.20 et les règlements d’exemption 1217/2010 et 1218/2010 du 14.12.10 expirant le 31.12.22. Selon le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne 2012/C 326/01, « les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État [...] qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » sont
considérées incompatibles avec la libre concurrence des biens et des services sur le marché intérieur, sauf celles énumérées à l’article 107 du traité ou bien celles compatibles aux textes précités, compatibilité relevant de la seule décision de chaque Etat.
2010 : la France lance son Programme d’Investissement d’Avenir (PIA). Aide publique sans précédent (jusqu’à 47Md€) allouée notamment à la création d’entités dédiées à une programmation-cadre de recherche par grands domaines industriels. Entités à qui l’Etat impose de s’auto-suffire dans un délai moyen de 5 ans.
2019 : Objectif non atteint. Perfusion d’aide publique toujours en place. Selon la Direction Générale des Entreprises, en novembre 2018, les aides publiques aux projets collaboratifs de R&D et d’innovation consolident un budget annuel d’environ 1,5 Md€. Attendu pour mi-2020, un plan d’évaluation mesurant les effets du régime tant sur les bénéficiaires que sur l’économie en général sur la période 2014-2020 (https://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux). A l’heure où :
- nos grandes industries font l’actualité des plans sociaux de masse, celles-là mêmes qui investissent dans les PIA aux côtés de l’Etat,
- nos Universités se restructurent pour financer leurs recherches propres et développer leur « portefeuille clientèle » créant des comportements économiques similaires à ceux du secteur concurrentiel (rappelons que la qualification européenne d’entreprise ne dépend pas du statut juridique national),
- la Cour des Comptes recommande une euthanasie de certaines entités PIA jugées non viables (rapport 20.03.18),
Emerge un plan de restructuration du PIA : arrêt de l’aide publique pour certaines sociétés d’accélération du transfert de technologies et nouvelle tranche de financement pour d’autres ;
Nouveaux statuts-types et Vademecum associé pour les Fondations de Coopération scientifique publiés par le MESR en mars 2019 affichant clairement le recours au mécanisme de restructuration « Fondations abritante/ abritée », voie à la réorganisation recentrée de la carte de ces outils PIA.
Restructuration des fonds publics au moment même où la Commission lance son évaluation.
Considérant le montant de ces aides restructurées [ou l’émergence d’un nouveau régime d’aide dédié au maintien de ces entités en difficulté], l’Etat devrait-il donc les notifier à la CE ?
La Commission déciderait-elle alors d’examiner les aides par "programme-cadre" liant solidairement le sort de l’ensemble des entités bénéficiaires par programme ?
Ce bilan de qualité devrait, à notre sens, aussi permettre à la Commission de s’interroger sur la nécessaire adaptation du processus de contrôle des aides d’Etat à l’innovation structurelle des partenariats R&D, réponse conjoncturelle aux profondes mutations économiques que connaissent nos Industries et nos laboratoires publics de recherche.
Virginie Bounot, Avocate chez Concilor