Une tribune de Grégory Chastagnol, Associé et Co-Fondateur de Factorhy Avocats.
La loi PACTE du 22 mai 2009 a modifié l’article 1835 du code civil pour prévoir que les statuts d’une entreprise puissent préciser sa « raison d’être ». L’article 1833 du code civil prévoit par ailleurs que la société prend en considération « les enjeux sociaux et environnementaux de son activité », à peine, pour faire simple, de nullité des actes ou délibérations des organes de la société. Enfin et surtout, on franchit là un vrai cap, le nouvel article L. 210-10 du code de commerce dispose qu’« une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission » à certaines conditions, ce qui lui conférera évidemment une image à part par rapport à ses concurrents ou aux investisseurs.
Nous voilà sortis du cadre du « droit mou » de la RSE pour tendre vers un droit dur sanctionné juridiquement. Mais alors quelles étapes suivre ? Posons quelques repères simples :
1. Le dirigeant doit comprendre et être convaincu du fait que travailler sur la raison d’être permet d’améliorer l’image de l’entreprise auprès de ses salariés, de ses clients, de ses fournisseurs, des pouvoirs publics.
2. Ne pas s’engager dans cette démarche à la légère : la démarche peut générer des attentes déçues, ce qui serait contre-productif. L’ensemble des décideurs au sein de l’entreprise doit être associé au projet.
3. Engager un brainstorming collectif et très large au sein de l’entreprise, voire avec les partenaires de l’entreprise, pour faire émerger quelques valeurs simples : pourquoi les dirigeants, le comité de direction, les salariés se lèvent le matin, pour le dire de manière triviale ? et si la raison n’est pas « éthique » au sens noble du terme, pourquoi chacun voudrait se lever ? C’est finalement l’idéal professionnel positif partagé dans l’entreprise qui doit être retenu. Des exemples : sécuriser l’espace informationnel (Atos), être le leader de la transition alimentaire pour tous (Carrefour), etc.
4. Définir aussi quels enjeux sociaux et environnementaux sont pris en compte : les parties prenantes ? les salariés ? les clients ? les fournisseurs ? le bassin d’emploi local ? l’environnement ?
5. Construire le cadre juridique et opérationnel de ce projet : modifications statutaires décidées par l’assemblée générale, création d’un comité de suivi, mise en œuvre concrète d’une équipe projet, allocation de moyens.
Ce positionnement aura des impacts diversifiés selon les objectifs que se fixe la société et qui devront être mesurés : répartition des bénéfices de l’entreprise entre les actionnaires et les salariés, respect de l’environnement… si la société veut pouvoir justifier publiquement de son statut de société à mission. Il aura, au-delà, des impacts indirects : prix, clients, sélection des fournisseurs, etc.
Dans ce cadre, la seule définition de la « raison d’être » est un premier pas, mais qui ne produira que peu d’effet si l’entreprise ne prend pas le virage de la société à mission. Tout un monde philosophique et stratégique sépare ces deux notions.
Grégory Chastagnol, Associé et Co-Fondateur de Factorhy Avocats