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Tribune de Jean-Louis Clergerie, Professeur émérite des Universités en Droit public qui explique pourquoi le président de la République avait l’obligation de promulguer la loi sur les retraites.

N’en déplaise à certains responsables politiques ou syndicaux, le président de la République n’avait pas le choix, il avait l’obligation de promulguer la loi sur les retraites, une fois validée dans son ensemble par le Conseil constitutionnel. Elle sera donc applicable dès sa publication au Journal Officiel.

En effet, selon la Constitution de 1958,  « Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée » (art.10 al.1).

La promulgation de la loi, qui sous la Vème république est, rappelons-le, une prérogative exclusive du Chef de l’Etat[1], fait partie des compétences liées, qui constituent pour lui une obligation à laquelle il ne lui est donc en aucun cas possible de se soustraire, même s’il y était personnellement opposé. Il en serait bien sûr tout autrement s’il s’agissait d’un pouvoir discrétionnaire, qui lui permettrait alors d’agir selon son bon vouloir. Mais tel n’est pas le cas.

Le délai de promulgation de quinze jours ne pourra être interrompu que dans deux hypothèses :

  • si le Président demande au Parlement, qui ne pourra d’ailleurs le lui refuser, de procéder à un nouvel examen de tout ou partie de la loi[2]:

  • si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale ou par soixante députés ou soixante sénateurs, est appelé à statuer sur sa constitutionnalité (art.61). Le délai de promulgation est alors suspendu jusqu'à la décision du Conseil, qui peut prendre un mois au maximum.

Il reste alors maintenant au gouvernement à prendre, au plus tard dans six mois[3], les décrets d’application nécessaires. Il ne lui serait d’ailleurs pas possible de refuser de le faire, sous peine de s’y voir contraint par le Conseil d’État (décision n° 361464 du 22 octobre 2014).

Le seul moyen de s’opposer à cette loi aurait été, pour le président de la République, de demander à son gouvernement de ne pas l’appliquer dans l’attente d’un nouveau texte. Ainsi en 2006, le Président Chirac avait-il appelé son gouvernement à ne pas mettre en pratique la loi « pour l'égalité des chances »[4], dont l’art.8 portant création d’un  “Contrat première embauche”, avait suscité une forte vague de protestation un peu partout dans le pays. Mais, contrairement à ce que l’on entend trop souvent aujourd’hui, ce texte avait bien été promulgué et publié au Journal officiel, après la décision du Conseil constitutionnel (30 mars 1986) qui, comme pour la réforme des retraites, l’avait déclaré conforme à la Constitution, à l’exception de deux de ses dispositions (art.21 et 22), tout en validant l’art.8 le plus contesté !

Alors que tous ceux qui auraient souhaité que le chef de l’État renonce à promulguer cette loi, lisent ou relisent la Constitution et apprennent à tirer les leçons tirées de l’histoire de la Vᵉ République !

Jean-Louis Clergerie, Professeur émérite des Universités en Droit public

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NOTES

[1] Comme tous les décrets présidentiels à l’exception de ceux qui interviennent dans les cas prévus à l’art.19,  cette décision doit toutefois être contresignée par le Premier ministre.

[2] « [Le Président]  peut, avant l'expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée » (art.10 al.2).

[3] Cf. à ce propos circulaire du 27 décembre 2022 sur l’application des lois, JORF n°0301 du 29 décembre 2022.

[4] Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.


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