Julie Vern Cesano-Gouffrant : « Nous nous entourons des personnes que nous jugeons être les meilleures dans leur spécialité »

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Julie Vern Cesano-Gouffrant, associée chez Winston & Strawn, revient sur l'expertise de son cabinet dans le secteur de la santé. Elle évoque les défis juridiques et réglementaires auxquels font face les entreprises médicales lors de leur restructuration ou expansion.

Votre équipe chez Winston & Strawn est reconnue pour son expertise dans le domaine de la santé en matière de fusions-acquisitions. Pouvez-vous nous en dire plus sur les types spécifiques d'opérations que vous traitez le plus fréquemment dans ce secteur ?

Notre équipe regroupe des avocats de toutes les spécialités (M&A/PE, réglementaire, fiscalité, financement, IP / IT / data, social, immobilier, contentieux), nous permettant de traiter une très grande diversité d’opérations. En matière de fusions-acquisitions, cela va principalement de la structuration / incubation de jeunes « pousses », aux évolutions successives de tours de table, en passant par la levée de fonds en dette et/ou equity à des fins de croissance organique et/ou externe (« build-up »). Nous accompagnons tant les professionnels de santé souhaitant se regrouper entre eux, que les investisseurs souhaitant apporter le financement nécessaire à ces regroupements. Nous avons ainsi l’exemple de très nombreux clients qui sont, à l’origine, venus nous consulter pour leur structuration et leurs premières opérations de croissance externe, qui sont maintenant des leaders dans leur spécialité et que nous accompagnons toujours.

Compte tenu de l'évolution rapide des technologies médicales et de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé, comment votre équipe s'adapte-t-elle pour conseiller efficacement les clients sur les aspects juridiques liés à ces innovations ?

Nous nous entourons des personnes que nous jugeons être les meilleures dans leur spécialité, tout en ayant une souplesse d’adaptation afin de se conformer aux contraintes réglementaires très fortes existantes, à fort juste titre, dans ce domaine. Dans le cadre de ces innovations, nous avons un spécialiste IP /IT / data qui a développé une expertise spécifique dans la protection des données de santé. Ces innovations et leur utilisation par des professionnels de santé soulèvent également d’autres problématiques, telles que la responsabilité, l’assurance, etc. Nous accompagnons aussi des biotechs, avec leurs sujets de propriété intellectuelle et de financement, l’évolution de ces techniques entraînant un cash burn important.

Votre cabinet a accompagné des projets de consolidation dans le secteur de la santé. Quels sont selon vous les principaux défis juridiques et réglementaires auxquels font face les entreprises médicales lors de leur restructuration ou de leur expansion ?

Ces entreprises médicales doivent en tout premier lieu veiller à choisir les bons partenaires, qu’ils soient médicaux ou financiers. Concernant ces derniers, il est nécessaire d’éliminer ceux qui ne tentent de pénétrer le secteur que pour exhiber « leur danseuse » en Santé, ces investisseurs n’ayant aucunement leur place dans ce secteur. Les professionnels de santé et leurs structures d’exercice sont en effet très strictement réglementés, et leur détention ainsi que les modalités de leur gouvernance et de transfert de leurs titres font l’objet de règles particulièrement contraignantes, mais fort heureuses : elles permettent de s’assurer que les professionnels de santé conservent le contrôle de leur structure d’exercice (en imposant, par exemple, que tout investisseur tiers ne puisse détenir plus de 25% du capital social et des droits de vote, une décorrélation pouvant en revanche être faite en ce qui concerne les droits financiers, ou que seuls les professionnels de santé en exercice en leur sein puissent en être les dirigeants). L’interprétation qui en est faite par certains Conseils de l’Ordre est malheureusement extrême, avec une position consistant à vouloir interdire la détention d’une partie du capital de ces structures d’exercice par des tiers non professionnels[1] (voire par toute personne autre que les professionnels de santé en exercice en leur sein). Cette position est toutefois contraire au droit positif, qui a entendu depuis 1990 permettre que ces tiers puissent venir faire bénéficier les professionnels de leur puissance financière, permettant ainsi le regroupement de professionnels désireux de s’unir afin de déployer un projet médical s’appuyant sur les meilleures pratiques internes, ainsi que de leur assistance et expertise pour la mise en œuvre et le déploiement d’actions pour lesquelles les professionnels de santé n’ont malheureusement souvent pas les ressources nécessaires (telles que des actions RSE, de décarbonation de la Santé, de sélections de fournisseurs éthiques, etc.). Il est vivement souhaitable que ces défis se transforment rapidement en échanges constructifs entre les autorités de tutelle et les professionnels de santé afin d’établir les règles d’une structuration acceptable par l’ensemble des parties prenantes, à l’instar de qui a pu être établi dans le secteur vétérinaire[2].

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[1] https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/financiarisation-medecine

[2] https://agriculture.gouv.fr/independance-de-la-profession-veterinaire-la-procedure-de-conciliation-organisee-par-le-minsitere


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