CEDH : pas de diffamation par l’avocat de la veuve du juge Borrel envers les magistrats

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La Cour européenne des droits de l'Homme juge que la condamnation pour diffamation de l'avocat de la veuve du juge Borrel viole les articles 6 §1 et 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

En 1995, un magistrat est retrouvé mort à quatre-vingts kilomètres de la ville de Djibouti. L'enquête de gendarmerie ayant conclu à un suicide par immolation, la veuve du magistrat a déposé plainte avec constitution de partie civile pour assassinat.
Une information judiciaire a alors été confiée à deux juges d'instruction, dessaisis quelques temps plus tard et le dossier a alors été confié à un autre magistrat.
Me M., avocat de la veuve, a alors qualifié le comportement des deux juges d'instruction comme étant impartial et déloyal et a adressé une lettre à la garde des Sceaux pour l'ouverture d'une enquête par l'Inspection générale des services judiciaires.
Le lendemain, cette lettre fut reprise dans un article d'un journal relatant les détails de l'affaire et des propos de l'avocat. Les deux juges d'instruction ont porté plainte pour diffamation publique sur un fonctionnaire.

Les juges d'instruction ayant obtenu gain de cause en première instance et en appel, Me M. a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le requérant, jugeant notamment que les limites admissibles de la liberté d’expression dans la critique de l’action des magistrats avaient été dépassées. Elle siégea dans une formation différente de celle annoncée aux parties.

L'avocat a alors saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme relatif au droit à un procès équitable, l'un des conseillers qui siégeait dans la formation de la Cour de cassation de 2009 ayant, plusieurs années auparavant, publiquement apporté son soutien à l'un des juges qui avait porté plainte pour diffamation à son encontre, et de l'article 10 relatif à la liberté d'expression.
Dans un premier arrêt en date du 11 juillet 2013, la CEDH avait constaté qu'il y avait violation de l'article 6 § 1 de la Convention mais pas de violation de l'article 10.

Dans un arrêt du 23 avril 2015, la grande chambre de la CEDH a constaté que le requérant reconnaissait que le conseiller n’avait pas manifesté d’idées préconçues à son encontre. Il soutenait néanmoins que la présence de ce conseiller au sein de la formation de jugement créait une situation qui justifiait ses craintes d’un manque d’impartialité.
La Cour a estimé que les termes employés en 2000 par le conseiller en faveur d’une collègue magistrat, la juge M., laquelle était précisément à l’origine des poursuites diligentées contre le requérant, pouvaient susciter chez le prévenu des doutes quant à l’impartialité du "tribunal". En outre, le requérant n’ayant pas été informé de la présence du conseiller dans la formation de jugement et n’ayant aucune raison de l’envisager, il n’a pu contester la présence de celui-ci ni soulever la question de l’impartialité.
La Cour a jugé que les craintes du requérant pouvaient passer pour objectivement justifiées et déclaré qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
La Cour a estimé que les propos reprochés au requérant ne constituaient pas des attaques gravement préjudiciables à l’action des tribunaux dénuées de fondement sérieux, mais des critiques à l’égard des juges dessaisis, exprimées dans le cadre d’un débat d’intérêt général relatif au fonctionnement de la justice et dans le contexte d’une affaire au retentissement médiatique important depuis l’origine.
La Cour a jugé que la condamnation pénale de Me M. s’analysait en une ingérence disproportionnée dans son droit à la liberté d’expression et conclut par conséquent à la violation de l’article 10 de la Convention.

© LegalNews 2017 - Melissa PINTO


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