QPC : droit au silence des magistrats lors d'une procédure disciplinaire

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Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution les dispositions législatives relatives à l'information du magistrat mis en cause du droit qu’il a de se taire dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de :
- l’article 52 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 ;
- l’article 56 de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001.

En application de l’article 48 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, le pouvoir disciplinaire est exercé à l’égard des magistrats du siège par le Conseil supérieur de la magistrature.
Lorsque ce dernier est saisi de poursuites disciplinaires, les dispositions contestées de l’article 52 prévoient que, au cours de l’enquête, le rapporteur désigné par le président du conseil de discipline entend ou fait entendre le magistrat mis en cause.
Selon les dispositions contestées de l’article 56, lors de sa comparution, le magistrat déféré est entendu par le conseil de discipline.

D’une part, lorsque le président du conseil de discipline estime qu’il y a lieu de procéder à une enquête, le rapporteur a la faculté d’interroger le magistrat mis en cause sur les faits qui lui sont reprochés.
D’autre part, lors de la comparution devant le conseil de discipline, il revient à ce dernier d’inviter le magistrat à fournir ses explications et moyens de défense sur ces mêmes faits.

Ainsi, le magistrat mis en cause peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est disciplinairement poursuivi.
En outre, le fait même que ce magistrat soit entendu ou invité à présenter ses observations peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire.

Or, lors de l’audience, le conseil de discipline prend connaissance des déclarations du magistrat qui sont consignées dans le rapport établi à la suite de l’enquête et reçoit celles qui sont faites devant lui.

Dès lors, en ne prévoyant pas que le magistrat mis en cause doit être informé de son droit de se taire lors de son audition par le rapporteur ainsi que lors de sa comparution devant le conseil de discipline, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789.

Par conséquent, le Conseil constitutionnel juge, dans une décision n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024, que ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution.

Sur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, d'une part, les dispositions de l’article 52 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur.

D’autre part, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles de l’article 56 de cette même ordonnance aurait pour effet de priver le magistrat mis en cause de la possibilité de présenter devant le conseil de discipline ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives.
Par suite, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions.
En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le conseil de discipline doit informer de son droit de se taire le magistrat qui comparaît devant lui.

Par ailleurs, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement.

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