La 2ème édition du Village de la LegalTech s’est ouverte par une conférence qui a permis de faire le point sur la transformation des acteurs de la filière juridique induite par l’arrivée des legaltech.
3 ans après l’arrivée des premières legaltech en France, le climat a changé dans le monde du droit. Alors que ces nouveaux venus étaient taxés de « braconniers du droit », ils sont désormais mieux acceptés par les professionnels du droit. Melik Boudemagh, consultant en innovation, Hercule Legaltech, explique que « l’on est passé d’une période où l’on était à l’âge enfant à un âge plus adolescent, plus mûr. On a passé l’époque des peurs, des fantasmes, de l’espoir vers quelque chose de plus concret, marqué plus par une envie de co-construire, une envie d’augmenter les métiers, les professions du droit. On a changé les concepts d’ubérisation du droit, de braconniers du droit qui faisaient un peu peur par des concepts de co-construction, d’apprentissage et de transformation ».
Structuration du marché du droit
Jean-Manuel Caparros, Chief Digital Marketing & Communication Officer chez Axa Protection juridique a confirmé cette tendance et a témoigné des effets positifs de l’arrivée des start-up du droit. Ainsi, elles ont permis de « structurer le marché du droit dans la mesure où elles tendent à faire du droit un bien de consommation courant alors qu’auparavant l’offre était très polarisée en termes de propositions de valeur, très atomisée sur les acteurs traditionnels ».
Cette nouvelle offre a permis notamment d’adresser les litiges du quotidien des français puis maintenant pour accompagner les professionnels du droit. Axa Protection juridique a décidé de mener une réflexion sur sa proposition de valeur. « Nous nous sommes aperçus que notre proposition de valeur est de savoir proposer un accompagnement humain via des juristes de protection juridique sur des litiges qui ne sont pas l’apanage des professionnels du droit ». Par ailleurs, cette chaîne de valeur (information juridique essentiellement par téléphone, gestion des litiges et contentieux) avait très peu évolué.
Grâce aux legaltech, Axa Protection juridique a densifié cette chaîne de valeur du point de vue de la « profondeur » de l’information juridique en proposant l’édition de modèles de documents (lettre-types, contrats…) mais aussi en termes « d’amplitude » (venir combler des manques dans l’accompagnement aux clients). Cela a également abouti à une collaboration avec la legaltech eJust, palteforme d'arbitrage en ligne, permettant à l’assureur d’apporter une nouvelle solution à ses clients en bénéficiant d’une plus grande maîtrise des litiges. Avec les legaltech, « on repositionne le juriste dans un rôle central, en faisant naître cette figure du juriste augmenté qui est finalement est celui qui va pouvoir s’appuyer sur des technologies pour mieux accompagner le client ».
Les professionnels du droit sont également acteurs de la transition numérique
Face à l’émergence de ces nouveaux acteurs, les professionnels du droit ont du accélérer leur réflexion sur la problématique du numérique afin de favoriser l’émergence de solutions créées par les professionnels du droit et soutenir les initiatives des porteurs de projets. Ainsi, les avocats ont décidé de créer l’incubateur du barreau de Paris en 2014. Le succès de ce dernier a ouvert la voie aux incubateurs de Lyon, Marseille, Rennes, Bordeaux, Toulouse, et plus récemment à ceux de Montpellier, Nîmes et Rouen.
Ces incubateurs se sont fédérés au sein du Réseau National des Incubateurs (RNI) lors de la dernière Convention Nationale des Avocats. Morgane de Sauw, avocat et membre du Réseau National des Incubateurs, a expliqué que le RNI poursuit trois objectifs :
- instaurer une formation numérique commune ;
- mutualiser les tests d’outils communs ;
- mettre en place un financement commun pour accompagner les porteurs de projets qui pourrait prendre la forme d’une plateforme de crowdfunding.
« On constate une véritable prise de conscience des avocats pour assurer la transition numérique de notre marché », a indiqué Morgane de Sauw. Par ailleurs, il a assuré que les « avocats veulent travailler avec les legaltech » même si un « travail pédagogique » est encore nécessaire. « L’objectif est que les confrères comprennent que ce marché existe et que nous ne pouvons pas le contourner », a précisé Morgane de Sauw.
Chez les huissiers, le changement a aussi lieu. Pour Patrice Gras, Président de l’Union National des Huissiers de Justice (UNHJ), « cette révolution va surement permettre de passer de l’âge de pierre à la lumière ». Cela, par exemple, pris la forme d’une plateforme de médiation des litiges de la consommation dénommée Médicys créée à l’initiative de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice (CNHJ). Dans le domaine du recouvrement, les huissiers réfléchissent également à développer de nouvelles plateformes dans la mesure « où les huissiers recouvrent entre 10 et 15 % en recouvrement amiable » alors qu’il y a un « marché potentiel de 30 à 35 % ».
Arnaud Dumourier (@adumourier)
Suivre @adumourier