Télétravail et protection des données personnelles

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Le télétravail pose certaines questions concernant d’abord le droit du salarié à la déconnexion mais aussi sur la protection des données. La barrière de plus en plus floue entre outils personnels et outils professionnels avec la collecte d’informations impose de revoir le régime juridique de la protection des données. Explications par François Alambret, Counsel chez Bryan Cave Paris.

L’essor du télétravail a accru la nécessaire protection des données personnelles. Si ces deux sujets se complètent, ils ne doivent éclipser les autres aspects de la digitalisation des relations de travail.

Le développement du télétravail

Le télétravail n’a pas attendu l’émergence d’internet pour exister mais il s’est incontestablement développé par la conjonction de différents facteurs : les progrès des outils technologiques individuels, l’individualisation des relations du travail et l’accroissement des centres urbains et leur congestion concomitante.

Poussé d’abord par les revendications des salariés, le télétravail a été organisé par les entreprises par le biais d’accords collectifs ou de chartes (informatiques ou sur la qualité de vie au travail), puis reconnues par les organisations syndicales au niveau européen et national (accord cadre européen sur le télétravail du 16 juillet 2002 et accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005). Enfin, encadré par le législateur par le biais des lois du 22 mars 2012, du 8 août 2016 (Loi travail dite loi « El-Khomri ») et les ordonnances Macron en cours de promulgation.

Cette dernière étape législative vise encore à simplifier le recours au télétravail, notamment par le biais d’un accord ou d’une charte d’entreprise en dispensant ensuite les parties d’un avenant au contrat de travail (voir article 24 de l’ordonnance n°3 du 31 aout 2017 modifiant les articles L.1222-9 et suivants du code du travail).

L’employeur n’est plus tenu, non plus, de supporter le coût de ce télétravail, ce qui autorise le salarié « de facto » à utiliser son propre matériel informatique (avec les conséquences afférentes en termes de confidentialité et de sécurité).

La protection des données personnelles

Dès son apparition, le télétravail s’est heurté aux problématiques de la protection des données informatiques. Cette contrainte a d’ailleurs été rappelée expressément par les partenaires sociaux dans leur premier accord européen (point 5 de l’accord cadre du 16 juillet 2002) et national (article 5 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005).

Et de fait, le télétravail accroit les risques sur la protection des données de façon à la fois structurelle et technique. Structurellement, par le mode même d’organisation du travail (qui augmente les communications digitales au détriment de communications directes et orales dans l’entreprise) et techniquement car le salarié demeure à distance des services informatiques de l’entreprise et peut dorénavant utiliser ses propres matériels informatiques avec les risques qui en découlent.

Le règlement communautaire sur la protection des données en date du 27 avril 2016 (souvent dénommé GDPR « Global Data Protection Regulations ») prend acte de la digitalisation croissante de la société et de ses nouvelles formes de travail. Il renforce les mesures de protection à l’égard des personnes et donc vis-à- vis des salariés et des télétravailleurs.

· L’imbrication des deux notions/ le rôle de l’entreprise

Ces deux sujets (télétravail et protection des données) s’accompagnent et s’encouragent mutuellement. Le renforcement de la protection des données offre des garanties nécessaires au développement du télétravail.

Toutefois, ce cadre législatif et réglementaire posé, c’est aux acteurs de l’entreprise de s’en saisir et de le façonner.

A eux de négocier et de rédiger un accord collectif ou une charte permettant une mise en œuvre fluide mais aussi sécurisée du télétravail, dans le respect du nouveau règlement communautaire du 27 avril 2016.

Mais traiter ces deux thèmes isolément méconnait l’ampleur des bouleversements de la digitalisation de la société et des relations du travail.

Une réelle prise en compte nécessite d’aborder dans leur ensemble tous les impacts de cette digitalisation : la durée du travail et le droit à la déconnexion (essentielle en cas de télétravail), l’accès numérique aux différents documents de l’entreprise et portails de l’entreprise (la bourse d’emploi de l’entreprise ou du groupe en cas de recherche de reclassement pour licenciement économique ou pour inaptitude), le vote électronique (pour les élections professionnelles du comité social et économique et lors des potentiels référendums pour la validation des accords collectifs), les politiques de formation ou d’insertion rendues possibles par la digitalisation (l’insertion des salariés handicapés et invalides), le code du travail numérique, etc.

La ministre du travail, Madame Muriel Pénicaud, ne s’est pas trompée en appelant de ses vœux une négociation interprofessionnelle sur ce point. Certaines organisations syndicales (comme la CFTC) sont très réceptives et appellent à un « grenelle du numérique » d’autres ont encore du mal à se mobiliser sur ces sujets.

François Alambret, Counsel chez Bryan Cave Paris


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