L'art de rédiger une demande d'enregistrement de marque

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William Lobelson, Associé, Germain & MaureauWilliam Lobelson, associé au sein du cabinet Germain & Maureau en propriété intellectuelle, nous propose ici un éclairage quant à la manière de rédiger les demandes d'enregistrement de marque.

Contrairement à une idée reçue, le dépôt d’une demande d’enregistrement de marque ne consiste pas simplement à remplir un formulaire administratif.

Outre la prudence élémentaire qui commande de vérifier la disponibilité de la marque choisie en effectuant une recherche d’antériorité parmi les marques déjà déposées, mais aussi les noms de sociétés et les noms de domaine, il y a également lieu de s’assurer de la licéité du signe choisi et de son aptitude à constituer une marque valide, en application des critères définis par le Code de la Propriété Intellectuelle et par la jurisprudence.

Une fois ces vérifications effectuées, le choix – et surtout la rédaction - de la liste des produits et services en relation avec lesquels la marque est demandée revêtent une importance primordiale.

Une marque n’est jamais déposée dans l’absolu mais nécessairement en relation avec les produits et services pour lesquels elle sera exploitée. Ceux-ci sont rangés dans 45 classes administratives. Chaque classe regroupe des catégories données de marchandises ou de prestation de services, et se présente sous la forme d’un libellé dit « officiel », qui résume le contenu de la classe par des exemples des produits et services qui s’y trouvent. Ce libellé officiel n’a qu’une vocation illustrative, et il appartient à chaque déposant de sélectionner dans la liste détaillée des produits et services de la Classification Internationale ceux qui relèvent de son intérêt.

L’exercice est périlleux, puisqu’il s’agit d’adopter une rédaction qui doit protéger efficacement la marque en ciblant précisément les produits et services en relation avec lesquels elle sera effectivement exploitée, mais sans pour autant être trop restrictive (de façon à pouvoir opposer la marque à ceux qui exploiterait une contrefaçon de celle-ci pour des produits non identiques mais néanmoins similaires), ni trop extensive, au risque de susciter des conflits avec des marques antérieures exploitées dans des domaines non concurrents. Le libellé doit aussi tenir compte des pratiques des offices étrangers dès lors que la marque a vocation à être étendue au plan international.

La tâche sera dorénavant plus ardue encore devant l’INPI, qui vient de préciser sa position au regard d’une jurisprudence récemment rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne (arrêt « IP TRANSLATOR » du 19 juin 2012). La Cour a indiqué qu’en adoptant tout simplement le libellé officiel d’une classe, un déposant de marque communautaire peut préciser que ce faisant, il entend revendiquer la protection pour l’intégralité des produits et services énumérés dans la classe.

L’INPI rappelle au contraire que, s’agissant d’une marque française, la revendication du libellé officiel n’a pas pour effet d’offrir à la marque une protection pour l’ensemble des produits et services de la classe. Ainsi par exemple, l’adoption du libellé officiel de la classe 18 « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes » ne couvre pas nécessairement les sacs, cartables ou portefeuilles en cuir, si ces derniers n’ont pas été expressément désignés dans le dépôt. Pareillement, le libellé officiel de la classe 30 « Café, thé, cacao et succédanés du café; riz; tapioca et sagou; farines et préparations faites de céréales; pain, pâtisserie et confiserie; glaces comestibles; sucre, miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel; moutarde; vinaigre, sauces (condiments); épices; glace à rafraîchir » ne couvre ni les sandwiches, ni les pizzas notamment.

Il est donc absolument indispensable lors d’un dépôt de marque en France de rédiger soigneusement le libellé des produits et services, et ce d’autant plus lorsque l’activité de l’entreprise n’est pas explicitement prévue dans la Classification Internationale (ex : animation d’un réseau social sur Internet), au risque de voir l’enregistrement délivré par l’INPI dénué de tout effet.

L’expertise d’un conseil en propriété industrielle, familier de ces procédures, est plus que jamais d’actualité devant la technicité grandissante des formalités de protection d’une marque.

 

William Lobelson, associé au sein du cabinet Germain & Maureau en propriété intellectuelle


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