Ophélia Claude, associée et Arthur Champavere, collaborateur, au sein du cabinet Antonin Lévy & Associés nous apportent leur éclairage sur la deuxième décision concernat Imerys par l'Agence française anticorruption (AFA).
Le 7 février 2020, la Commission des sanctions de l’Agence française anticorruption a prononcé sa deuxième décision à l’encontre de Imerys.
Contrôlée sur pièces puis sur place du 5 février au 17 juillet 2018, Imerys n’a été informée de la saisine de la Commission de sanctions par le directeur de l’AFA qu’un an après, le 25 septembre 2019.
Ce dernier retenait dans son avis, après divers échanges avec les conseils de Imerys, trois manquements à l’article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi Sapin 2). Ces manquements visaient la cartographie des risques, le code de conduite et les procédures de contrôle comptable.
Concernant la cartographie des risques, nous ne pouvons que saluer la décision prise par la Commission d’écarter tout manquement relatif à celle-ci.
L’AFA reprochait à Imerys de ne pas avoir respecté ses recommandations ainsi que les prescriptions de sa doctrine interne. Or, à juste titre, la Commission a rejeté tout manquement en considérant que seule la méconnaissance des dispositions de l’article 17 de la loi Sapin 2 exposait les sociétés et leurs dirigeants à des sanctions.
Il résulte de cette décision plusieurs enseignements utiles sur l’élaboration de la cartographie des risques :
- Sur le panel de fonctions et métiers impliqués dans l’identification des risques, la Commission a estimé que les sociétés sont libres de retenir les fonctions et les métiers ou les sites qui leur paraissent représentatifs de leurs activités ou encore les responsables qui leur paraissent aptes à exprimer des avis utiles sur les scénarios de risque sans qu’il soit nécessaire de consulter la totalité des fonctions et métiers de Imerys ;
- Sur la granularité de la cartographie des risques, la Commission est d’avis qu’une société qui justifie son choix de ne pas traiter de façon particulière un pays ou un site, ne s’éloigne de la recommandation de l’Agence, qui n’impose aucun niveau de granularité prédéfini, que si elle ne peut pas démontrer que cette situation résulte d’un choix fondé sur une analyse précise de sa chaîne de valeurs et de ses activités propres ;
- Sur la hiérarchisation des risques, la Commission a énoncé que les sociétés ne sont pas tenues de hiérarchiser les risques en fonction de seuils d’admissibilité dès lors que les risques sont déjà hiérarchisés par ordre de priorité ;
- Sur l’élaboration d’un plan d’action, la Commission a rappelé que cette exigence n’est pas prévue par la Loi et que par conséquent, aucun manquement ne pouvait être reproché à Imerys ;
- Enfin, la Commission a estimé qu’il ne peut être valablement fait grief à Imerys de ne pas avoir procédé à une mise à jour annuelle de la cartographie des risques, une telle exigence n’étant pas prévue par la Loi. La Commission a considéré que l’AFA n’avait pas démontré pourquoi le cycle de quatre années adopté par Imerys ne serait pas pertinent.
Sur le code de conduite, l’AFA reprochait à Imerys qu’il n’était pas conforme aux dispositions de l’article 17 de la Loi.
Dans sa décision, la Commission a rappelé que le code de conduite devait être un document ou un ensemble de documents regroupant, de manière lisible pour l’ensemble du personnel des préconisations, obligations et interdictions de nature comportementale propres à prévenir la commission de faits susceptibles de caractériser des actes de corruption ou de trafic d’influence.
Ces documents doivent mentionner qu’ils constituent « le code de conduite » exigé par la Loi et doivent être annexés aux règlements intérieurs des entités françaises.
En l’occurrence, la Commission a constaté que Imerys ne disposait que d’un code éthique ne contenant pas toutes les rubriques exigées par la Loi et que le renvoi par lien hypertexte à un programme anticorruption plus complet n’était pas conforme dans la mesure où ce programme n’avait pas été intégré aux règlements intérieurs des entités. La Commission a donc constaté un manquement.
Enfin, sur les procédures de contrôle comptable spécifiques à la prévention de la corruption, la Commission a relevé les efforts fournis par Imerys en la matière mais n’a pu que constater, à la date à laquelle elle a statué, que celle-ci n’avait pas achevé la révision desdites procédures.
Il lui est notamment reproché l’absence de points de contrôle comptables spécifiques de 1er et de 2ème niveaux ainsi que la non maîtrise des risques liés aux entrées comptables manuelles, justifiant ainsi le constat d’un manquement sur ce point.
En se fondant sur deux manquements, la Commission a prononcé à l’encontre de Imerys ses deux premières injonctions.
La Commission fixera elle-même, postérieurement aux échéances fixées, la date à laquelle elle se prononcera sur la persistance de ces deux manquements et jugera ainsi si les injonctions n’ont plus lieu d’être.
Ophélia Claude, associée et Arthur Champavere, collaborateur, Antonin Lévy & Associés