La loi sur le travail à distance, en vigueur en Espagne depuis le 13 octobre dernier, a vocation à réguler cette modalité de travail qui a connu une croissance exponentielle en raison de la crise sanitaire causée par la COVID-19.
Néanmoins, l’exhaustivité avec laquelle certains aspects de la loi sont régulés, en particulier le contenu de l’accord sur le travail à distance, peut supposer un obstacle à la flexibilité de cette modalité de travail. En effet, la loi règlemente le contenu minimum qui doit figurer dans l’accord que l’entreprise et le travailleur sont tenus de conclure ainsi que les modifications ultérieures qui doivent être accordées par écrit de façon préalable à son application ce qui génère une rigidité au sein d’une modalité pourtant destinée à être flexible pour toutes les parties. Cette obligation empêche, à priori, l’employeur et ses collaborateurs d'adapter certains aspects sur le moment et en fonction des besoins réels de chacun.
La loi est applicable pour les personnes qui travaillent à distance au moins 30% de leur journée de travail pendant une période de 3 mois. Une fois que ce seuil est dépassé, l’accord de travail à distance susmentionné doit être conclu. L’existence de ce seuil impliquera que de nombreuses entreprises ne permettront pas le télétravail à leurs collaborateurs pour éviter d’atteindre le pourcentage de la journée de travail qui pourrait conduire à l’application de la norme. Il est très important de rappeler que le télétravail est volontaire pour le travailleur, mais également pour l’entreprise.
La loi sur le travail à distance mentionne de façon assez succincte la question relative aux frais d’équipements, d’outillage et de moyens liés au développement de l’activité, si bien qu’elle n’énumère pas quelles sont ces dépenses. Il est probable que dans les prochains mois ce soient les décisions judiciaires qui détermineront les coûts qui devront être assumés par les entreprises et ceux qui ne le seront pas. Néanmoins, une autre question se pose concernant ces dépenses, à savoir, la possibilité que l'administration fiscale décide de les considérer comme une rémunération en nature engendrant donc l’obligation de payer des cotisations et de les déduire de la masse salariale.
Le travail à distance, et en particulier le télétravail, sont des modalités de travail qui se veulent flexibles, dans un cadre de confiance entre l’employé et l’employeur. Mais le Décret-loi royal 28/2020 entraîne une rigidité dans la relation entre le travailleur et l'entreprise qui fera que, dans de nombreux cas, les entreprises ne voudront pas mettre en œuvre le télétravail une fois que les restrictions découlant de la crise sanitaire auront disparu. De plus, la mise en place de cette modalité conduit à des frais supplémentaires non prévus pour l’entreprise.
Le travail à distance redeviendra alors une modalité résiduelle dans la société espagnole du XXIe siècle, après s'être révélé être un mécanisme très utile pour rendre le travail plus flexible et pour concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Belén Crego, avocate espagnole et francophone chez Mariscal & Abogados Asociados