Les profondes transformations à l'œuvre au sein des entreprises amènent à s'interroger sur la question du « leadership » du directeur juridique : que revêt cette compétence aujourd'hui ? Peut-on la développer ? Retours d'expériences de deux praticiennes du droit, d'un formateur et d'une chasseuse de têtes.
Dans le cadre de la 9ème édition des Débats du Cercle, qui s'est déroulée le mercredi 8 septembre à Paris, un atelier animé par Béatrice Bihr (Vice-Présidente Exécutive Secrétariat Général, Servier et vice-présidente du Cercle Montesquieu) fut l'occasion de s'interroger sur la notion de leadership appliquée au directeur juridique.
Dans un environnement de plus en plus complexe, marqué par des transformations économiques, sociales et technologiques, le rôle du directeur juridique est en effet en train d'opérer une transition de sa fonction d'expert à un rôle de partenaire stratégique de l’entreprise.
« Sortir de sa tour d'ivoire d'expert »
Mais qu'entend-on au juste par « leadership » ? Eric-Jean Garcia (Co-directeur de l'Executive Master General Counsel, Sciences Po Executive Education), aime à définir cette notion polysémique au moyen de deux variables : le degré d'expertise/d'ouverture du directeur juridique, couplé avec son attitude réactive/proactive par rapport à la stratégie.
C'est précisément cette notion de stratégie qui se trouve désormais au cœur de la fonction du directeur juridique. Ce qui implique d'abandonner la simple « fonction support » et faire preuve de curiosité en sortant de sa « tour d'ivoire ».
La curiosité est assurément l'une des qualités de Sophie Leclerc (Directrice juridique, Groupe Seris). Passée par l'Executive Master de Sciences Po, ses expériences au sein de structures aussi diverses qu'une société du CAC 40 ou une entreprise familiale l'ont confortée dans sa conviction que la complexification croissante de l'environnement est une chance pour les directeurs juridiques.
Au cœur de la stratégie de l'entreprise
C'est également l'avis d'Anne-Sophie Le Lay (Secrétaire générale, Air France KLM et vice-présidente du Cercle Montesquieu), laquelle confirme que « le champ d'intervention des directeurs juridiques s'est élargi » et qu'il s'agit désormais « d'intégrer les enjeux juridiques dans les enjeux stratégiques de l'entreprise ».
Paola de Vienne (Managing Consultant Tax Legal & Compliance, Robert Walters) corrobore cette analyse : la demande de « capacité au leadership » du directeur juridique est de plus en plus prégnante dans les demandes de ses clients. Ceux-ci attendent désormais de ce professionnel de savoir construire au sein d'une équipe et, le cas échéant, d'être capable de trancher.
Autant de styles de leadership que d'entreprises
Tout le monde n'étant pas fait pour manager, la consultante utilise dans le cadre de son activité divers outils permettant de savoir dans une équipe qui est le plus à même de devenir « leader ».
Mais, dans la pratique, comment mesurer son leadership ? Pour Anne-Sophie Le Lay, l'indicateur le plus manifeste est le caractère incontournable de la direction juridique dans l'entreprise : « le fait que les personnes viennent vous voir et prennent plaisir à la faire ».
S'il est illusoire de chercher à « apprendre le leadership », comme le confirme Eric-Jean Garcia, il existe des moyens de développer cette faculté.
Selon Sophie Leclerc, il existe « autant de styles de leadership que d'entreprises ». Il importe de savoir parler le langage de l'entreprise en abandonnant son propre jargon (« être pédagogue du droit », résume Eric-Jean Garcia) et en ne s'empêchant pas de discuter de sujets qui ne sont pas juridiques.
Cette ouverture aux autres est pour Anne-Sophie Le Lay une manière de vivre son métier : « s'entourer de gens plus forts que soi assoit son propre leadership », témoigne-t-elle.
Ainsi, si le titre de « directeur » peut donner de l'autorité, le leadership revêt bien d'autres réalités… « Un exercice de développement de soi », défend Paola de Vienne.
Pascale Breton
