Le paysage financier européen évolue favorablement – et démocratiquement – avec l'introduction d’ELTIF 2.0, une version révisée du règlement sur les fonds européens d'investissement à long terme datant de 2015. Cette réforme élargit les opportunités de financement des petites et moyennes entreprises et d’investissement pour les investisseurs de détail. Elle diversifie aussi les stratégies d'investissement et renforce le rôle du Luxembourg comme leader innovant dans l'investissement européen. Explications avec Xavier Le Sourne, associé, Elvinger Hoss Prussen et Kenza Bensaid, avocate, Elvinger Hoss Prussen.
L'Europe assiste à une transformation attendue dans le domaine de l'investissement avec l’entrée en vigueur d’ELTIF 2.0, qui redéfinit le Règlement Européen éponyme 2015/760.
ELTIF 2.0 innove d’abord avec l'augmentation de la capitalisation boursière maximale des entités éligibles pour les investissements ELTIF, qui passe de 500 millions à 1,5 milliard d'euros (multi suntvocati). Le règlement ouvre également de nouvelles opportunités d'investissement, intégrant des actifs auparavant non éligibles, comme les obligations vertes et en confirmant l’éligibilité des titrisations dans leur forme simple, transparente et standardisée(STS), ces dernières pouvant représenter jusqu'à 20 % du capital d’ELTIF. Ces expositions à long terme incluent notamment les prêts aux entreprises, y compris ceux accordés aux PME, et les créances commerciales utilisées pour financer ou refinancer des investissements à long terme.
Cette nouvelle version d’ELTIF assouplit les restrictions initiales, telles que la suppression du seuil minimal d'investissement initial pour un même investisseur fixé à 10.000 euros, ouvrant la voie à une plus grande diversité de distribution. Cette réforme s'aligne aussi sur les critères de la directive MiFID II, simplifiant ainsi les démarches pour les distributeurs et les gestionnaires pour accepter l’épargne des investisseurs de détail.
Une des modifications majeures d’ELTIF 2.0 a trait à la gestion de la liquidité pour les ELTIF semi-ouverts avec la réduction du minimum du capital investi dans des actifs éligibles, de 70 % à 55 %. Cette plus grande permissivité permet aux gestionnaires d'adopter une stratégie de liquidité plus souple, autorisant la création d’une poche de liquidité pouvant représenter jusqu'à 45 % du capital dans des titres éligibles aux OPCVM coordonnés. Le rapport final de l'ESMA du 13 décembre 2023 a précisé que les gestionnaires peuvent désormais définir des périodes de détention minimales et fixer des fréquences de rachat inférieures à 12 mois, sous certaines réserves réglementaires et de volume de la poche de liquidité. De plus, la mise en œuvre d'au moins un mécanisme anti-dilution, en plus du gating, est requise, offrant aux gestionnaires la discrétion d'adapter ces outils aux conditions spécifiques de liquidités demandées. Ainsi, les nouvelles normes équilibrent le maintien de l'orientation d'investissement à long terme des ELTIFs avec l'offre d'options de liquidité plus accessibles aux investisseurs de détails.
ELTIF 2.0 apporte également une diversification des stratégies financières en augmentant les limites d'emprunt. Pour les ELTIF commercialisés auprès des investisseurs de détail, la limite est dorénavant fixée à 50 % de la valeur nette d'inventaire (VNI). Pour ceux ciblant exclusivement les investisseurs professionnels, ce plafond atteint 100 % de la VNI.
ELTIF 2.0 est aussi porteur d’innovations structurelles. Les stratégies de fonds, les structures maître-nourricier et les possibilités de co-investissements minoritaires élargissent les options d'investissement.
Ces réformes entreront en vigueur le 10 janvier 2024. Une période de transition, s'étendant jusqu'au 11 janvier 2029, est prévue pour les ELTIF autorisés sous l'ancienne réglementation.
Le Luxembourg, un pionnier pour la marque ELTIF
Au-delà des fonds d'investissement spécialisés (FIS) et des fonds d'investissement alternatifs réservés (FIAR) qui se sont montrés particulièrement compatibles depuis 2015 et le lancement d’ELTIF, le Luxembourg inclut des structures telles que les sociétés en commandite simple ou spéciale, mais encore les organismes de placement collectif (OPC) constitués sous la Partie II de la loi de 2010. Cette diversification des véhicules éligibles est significative car elle permet aux OPC Partie II d'être placés auprès du public, offrant ainsi aux gestionnaires une opportunité accrue de tirer profit du passeport étendu aux investisseurs de détail offert par le règlement ELTIF.
En adaptant ses structures d'investissement aux changements itératifs des textes nationaux et européens, le Luxembourg continue de se positionner comme un leader. Les réformes législatives récentes, notamment avec l'introduction de nouvelles formes juridiques pour les OPC Partie II et l'évaluation des actifs basée sur la juste valeur, renforcent son rôle de hub attractif pour les investissements de long terme.
Les réformes fiscales du Luxembourg, axées sur la promotion des produits ELTIF, renforcent encore l'attractivité de la juridiction. En effet, l'exonération de la taxe d'abonnement pour les OPC Partie II, les FIS et les FIAR autorisés comme ELTIF souligne l'engagement du Luxembourg à soutenir les investissements à long terme en Europe et au-delà.
Avec l’introduction d’ELTIF 2.0, le Luxembourg se positionne stratégiquement à la convergence des ambitions des investisseurs et de la règlementation européenne, continuant ainsi de jouer un rôle prépondérant dans la formation du paysage financier européen.
Xavier Le Sourne, associé, Elvinger Hoss Prussen et Kenza Bensaid, avocate, Elvinger Hoss Prussen