La condamnation pénale d’un avocat, pour avoir tenu des propos écrits critiquant la manière dont un juge conduisait l’instance, est de nature à produire un effet dissuasif sur les avocats chargés de défendre leurs clients, et n’est pas proportionnée au but légitime poursuivi.
Au cours d'une procédure concernant la détermination de la propriété d’un bien rural opposant son client à un particulier, un avocat, ressortissant espagnol, a présenté une demande écrite tendant à la déclaration de nullité d’une décision ordonnant l’inscription du droit de propriété du particulier sur le terrain. Dans cette demande, l’avocat imputa au juge de première instance des conduites blâmables, telles que le fait de décider volontairement de fausser la réalité, de ne pas hésiter à mentir ou encore d’émettre un rapport mensonger dans lequel figuraient des indications fausses et malintentionnées.
Une procédure pénale pour délit présumé de calomnie a alors été ouverte à l’encontre de l’avocat, lequel a été condamné. Le jugement indiquait que les propos employés portaient sérieusement atteinte à l’honneur du juge de première instance et allaient au-delà du droit légitime de défense.
Après avoir introduit, en vain, plusieurs recours contre cette décision, l’avocat a saisi la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH).
Il invoque la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la convention européenne des droits de l’homme.
Selon lui, sa condamnation et la peine qui lui a été infligée s’analysent en une ingérence disproportionnée dans l’exercice de son droit à s’exprimer librement dans le cadre de ses fonctions.
Le 12 janvier 2016, la CEDH dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.
La Cour estime que, bien que graves et discourtoises, les expressions utilisées par le requérant avaient été présentées par écrit et n’étaient connues que du juge et des parties. Ces propos portaient sur la manière dont le juge conduisait l’instance et avaient été réalisés dans un contexte de défense des intérêts de son client.
La Cour considère que la condamnation pénale du requérant est de nature à produire un effet dissuasif sur les avocats chargés de défendre leurs clients.
Les juridictions pénale espagnoles n’ont donc pas ménagé un juste équilibre entre la nécessité de garantir l’autorité du pouvoir judiciaire et celle de protéger la liberté d’expression.
Ainsi, la sanction qui a frappé l’avocat n’était pas proportionnée au but légitime poursuivi et n’était, dès lors, pas nécessaire dans une société démocratique.
Références
- Communiqué de presse n° CEDH 011 (2016) de la CEDH du 12 janvier 2016 - “Condamnation pénale disproportionnée d’un avocat pour des propos écrits critiquant un juge” - Cliquer ici
- CEDH, 3ème section, 12 janvier 2016 (requête n° 48074/10), Ravelo c/ Espagne - Cliquer ici
- Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme - Cliquer ici
Sources
Gazette du Palais, actualités juridiques, 15 janvier 2016, “Effet dissuasif de la peine infligée à l’avocat pour ‘calomnie’ d’un juge” - Cliquer ici