Limite à l'immunité judiciaire du plaideur et éléments constitutifs du délit d’outrages à magistrats

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Le plaideur qui tient des discours ou écrits outrageants étrangers à la cause soumise au tribunal et inutiles à sa défense ne peut bénéficier de l’immunité judiciaire du plaideur. En revanche, le délit d’outrages à magistrats n’est constitué que lorsqu’il est établi que l’auteur des propos a voulu que ceux-ci soient rapportés à la personne visée.

Un individu a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Privas pour y répondre de plusieurs infractions au code rural. Dans ses conclusions écrites qu’il a déposé au greffe, il accusait l'ancien procureur de la République de Privas, et la présidente de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Nîmes "d'agissements mafieux", et "d'appartenance à une association de malfaiteurs pervers et corrompus".
En raison de ces propos, cet individu a été poursuivi du chef d'outrages à magistrats et condamné à trois mois d'emprisonnement.
Considérant qu’il bénéficiait de l’immunité judiciaire du plaideur, le prévenu a fait appel de ce jugement.

Le 23 mai 2014, la cour d’appel de Nîmes juge que le prévenu n’est pas couvert par l'immunité de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881.
Les juges du fond considèrent que ces accusations d'une extrême gravité sont totalement étrangères à la cause soumise au tribunal, et sont inutiles à la défense du prévenu pour les faits pour lesquels il était alors poursuivi.
Pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt retient que les expressions litigieuses caractérisent sans conteste l'élément matériel du délit d'outrage à magistrat en ce qu'elles constituent des propos outranciers, irrespectueux et injurieux portant atteinte à la dignité et à I'honneur des deux magistrats visés, agissant dans I'exercice de leurs fonctions.

Le 8 septembre 2015, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
La Cour de cassation considère que la cour d’appel a justifié sa décision d’écarter l’immunité, "dès lors que ne peuvent bénéficier de l'immunité de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 les discours ou écrits outrageants étrangers à la cause, et excédant les limites des droits de la défense".
En revanche, elle censure la cour d’appel, au visa de l’article 593 du code de procédure pénale, au motif "que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties" et que "l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence".
En l’espèce, les juges du fond auraient dû rechercher "en quoi les propos litigieux, s'ils ne leur avaient pas été directement adressés, seraient nécessairement rapportés aux deux magistrats concernés, alors que le délit prévu par l'article 434-24 du code pénal n'est constitué que lorsqu'il est établi que l'auteur des propos a voulu que ceux-ci soient rapportés à la personne visée".

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Références

- Cour de cassation, chambre criminelle, 8 septembre 2015 (pourvoi n° 14-84.380 - ECLI:FR:CCASS:2015:CR02961) - cassation de cour d’appel de Nîmes, 23 mai 2014 (renvoi devant la cour d’appel de Toulouse) - Cliquer ici
- Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, article 41 - Cliquer ici
- Code de procédure pénale, article 593 - Cliquer ici
- Code pénal, article 434-24 - Cliquer ici

Sources

Dalloz-actu-etudiant, A la une, 16 octobre 2015, “Outrage à magistrat : éléments constitutifs et limite à l’immunité judiciaire” - Cliquer ici

Mots-clés

14-84380 - Procédure civile - Limite à l'immunité judiciaire du plaideur - Eléments constitutifs du délit d'outrages à magistrats - Discours ou écrits outrageants - Propos étrangers à la cause soumise au tribunal - Propos inutiles à la défense du plaideur - Propos rapportés à la personne visée

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