Le Conseil d'Etat a estimé qu'un arrêt rendu par un magistrat ayant porté plainte contre le justiciable qu'il devait juger, à la suite d'une audience durant laquelle ce dernier s'était mal comporté, était entaché d'irrégularité.
Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 21 mars 2023 (requête n° 456347), rappelle que les articles R. 731-1 et 731-2 du code de justice administrative attribuent au président de la formation de jugement la police de l'audience, en vue que soient garanties la sérénité et la dignité des débats, qui contribuent au caractère équitable du procès. Lorsqu'une partie perturbe le déroulement des débats, il appartient au président de la formation de jugement d'ordonner qu'elle mette fin immédiatement à ses agissements, sous peine d'être expulsée de la salle d'audience.
En outre, le Conseil d'Etat indique que lorsque les agissements de cette partie, lors de l'audience, sont également susceptibles d'être regardés comme relevant d'une qualification pénale, telle celle d'outrage à magistrat, le président de la formation de jugement en informe le chef de la juridiction, de façon à ce qu'il puisse signaler, s'il y a lieu, ces agissements au procureur de la République. Tout magistrat de cette formation de jugement qui s'estimerait victime de tels agissements peut également porter directement plainte contre l'auteur des faits.
Toutefois, dans un tel cas, les magistrats de la Haute juridiction administrative estiment que, dès lors que la personne dont les agissements sont mis en cause est partie à une affaire sur laquelle ce magistrat est appelé à délibérer, afin de ne pas créer dans le chef de cette partie un doute sur son impartialité à juger son affaire, il appartient au président de la formation de jugement de rayer l'affaire du rôle de l'audience, de façon à ce qu'elle puisse être examinée à une autre audience, devant une formation de jugement à laquelle le magistrat ne participe pas.
En l'espèce, le requérant avait eu un comportement qui n'était "ni digne ni respectueux" de la justice et des magistrats pendant les débats devant la cour administrative d'appel. Le président de la formation avait immédiatement, après la fin de l'audience, déposé plainte contre lui à raison de son comportement. L'arrêt attaqué, rendu postérieurement à ce dépôt de plainte, après qu'il eut été délibéré sur le litige par une formation de jugement présidée par le même magistrat administratif, est donc entaché d'irrégularité.
Le Conseil d'Etat annule l'arrêt d'appel.