Les dirigeants d'entreprise préoccupés face aux risques auxquels elles sont exposées et qui pourraient peser sur la croissance et la reprise économique

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Le rapport du cabinet d'avocats Clifford Chance "View from the top: A board-level perspective on current business risks" révèle l'inquiétude des dirigeants d'entreprise dans le monde face au renforcement des sanctions auxquelles celles-ci comme eux-mêmes sont exposés, et pose la question du risk management.

Près des trois quarts (74 %) des membres des conseils d'administration interrogés dans le monde par The Economist Intelligence Unit (EIU) pour le cabinet d'avocats international Clifford Chance, déclarent avoir constaté une augmentation du temps consacré à la gestion des risques par rapport à il y a deux ans. 58 %  précisent que ce phénomène s'accompagne d'une augmentation des dépenses  consacrées au risk management. 40 % déclarent que les dirigeants ont développé une aversion au risque qui ralentit la croissance de l'entreprise. Cette opinion est particulièrement répandue chez les dirigeants nord-américains interrogés.

Ces résultats sont extraits du rapport View from the top: A board-level perspective on current business risks publié par le cabinet d'avocats international Clifford Chance au terme d'une enquête réalisée par The Economist Intelligence Unit (EIU) au cours du premier semestre 2014 auprès de 320 membres de conseils d'administration d'entreprises de tous secteurs d'activités à travers le monde et ayant un chiffre d'affaires annuel de plus d'un demi-milliard de dollars US.

L'aversion au risque se traduit également dans le recrutement des dirigeants : près de la moitié (47 %) des sondés hésiteraient en effet à accepter un poste d'administrateur en raison des risques juridiques croissants auxquels ils sont exposés à titre personnel. Les entreprises ont, par conséquent, plus de difficultés à trouver des hauts dirigeants prêts à rejoindre leur conseil d'administration.

Les entreprises sont de plus en plus la cible de poursuites judiciaires. Alors que les Etats-Unis ont été des pionniers en matière de poursuites à l'encontre des entreprises, d'autres pays font évoluer leur réglementation dans ce sens, à l'instar du Royaume-Uni et dans certains pays d'Asie. Pour les entreprises internationales, l'environnement devient ainsi de plus en plus complexe - leurs activités dans les différents pays dans lesquels elles sont présentes sont surveillées par une multitude d'autorités locales différentes qui sont en concurrence.

Thomas Baudesson, associé au sein du groupe Contentieux et Arbitrage du cabinet Clifford Chance à Paris commente : "Les risques auxquels sont aujourd'hui confrontées les entreprises globales n'ont sans doute jamais été aussi nombreux. Les dirigeants doivent à présent tenir compte de cette évolution et s'assurer qu'une culture des risques est  bien prise en compte à tous les niveaux de l'entreprise. La fermeté et le niveau des sanctions prononcées par les régulateurs et les autorités de poursuite aux Etats-Unis semblent inspirer de plus en plus de pays pour éradiquer les comportements répréhensibles. On peut toutefois s'interroger sur les conséquences pour les entreprises de l'augmentation des sanctions ainsi prononcées. Le temps nous dira si cette évolution est efficace et permet d'obtenir de bons résultats".

Le rapport de Clifford Chance View from the top: A board-level perspective on current business risks met également en lumière d'autres résultats intéressants :

  • Les risques prioritaires pour les dirigeants d'entreprise : les trois risques les plus fréquemment cités par les dirigeants sont le risque financier (75 %), le risque de réputation (54 %), et le risque juridique et réglementaire (49 %). En revanche, les risques tels que les cyberattaques et la violation des droits de l'homme ne sont cités respectivement que par 15 % et 6 % des dirigeants sondés.
  • Malgré de lourds investissements, assurer une approche globale de la gestion des risques reste un défi pour les multinationales : 64 % des entreprises ayant répondu à l'étude affirment que les différences culturelles au sein des activités internationales de l'entreprise rendent une approche uniforme de la gestion des risques plus difficile.
  • La culture d'entreprise est un sujet de préoccupation majeur : 82 % des dirigeants reconnaissent que le risque de réputation et devenu plus important. Pour les dirigeants, la gestion des risques ne peut seulement concerner la fonction risk ou conformité. Les dirigeants reconnaissent le besoin d'instaurer une forte culture d'entreprise - alors que 24 % des entreprises interrogées ont déjà revu leur culture d'entreprise en matière de gestion des risques, 41 % ont l'intention de réaliser un audit dans les deux prochaines années.
  • L'interférence politique inquiète les dirigeants : 25 % des sondés sont particulièrement attentifs au risque d'interventionnisme politique dans leur gestion des risques. L'enquête révèle également que les dirigeants considèrent les États-Unis  comme l'économie avec le plus fort risque d'ingérence politique dans les affaires, devant la Russie, la Chine et l'Inde. Ils classent la France à la dixième place.

Selon Thierry Schoen, associé M&A du cabinet Clifford Chance à Paris, "Cette étude confirme que la France n'est pas le pays le plus interventionniste et qu'elle reste attractive pour les entreprises internationales. Les dirigeants interrogés considèrent que ce risque est plus grand aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, en Allemagne et au Royaume-Uni. Néanmoins le décret dit "Montebourg" du 14 mai 2014 destiné aux entreprises stratégiques, en renforçant le contrôle des investissements étrangers par le gouvernement, a un peu surpris les investisseurs internationaux tant du fait du timing opportun de sa publication par rapport à l'affaire GE/Alstom et au nouveau champ d'application extrêmement large incluant notamment la santé, l'énergie, le transport et les communications."

Une approche des risques différente en Europe

Les dirigeants des grandes entreprises européennes sont en retard sur leurs homologues internationaux en matière de gestion des risques. Seuls 26 % d'entre eux ont mis en place des procédures de crise au sein de leur entreprise pour faire face à d'éventuels risques majeurs ou scandales, contre 40 % des dirigeants interrogés en Amérique du Nord et 43 % en Asie-Pacifique.

Les membres des conseils d'administration européens ne sont que 12 % à citer la cybercriminalité comme l'un des trois principaux risques (contre 23 % aux Etats-Unis), 12 % à avoir revu leur culture de la gestion des risques (contre 26 % en Amérique du Nord et 29 % en Asie-Pacifique), 20 % à faire de la gestion des risques un élément individuel mesurable pour l'ensemble des collaborateurs et pas seulement pour la fonction compliance (contre 33 % en Amérique du Nord, 44 % en Asie-Pacifique).

En comparant les entreprises européennes et américaines, Thomas Baudesson constate : "Les conseils d'administration européens sont aujourd'hui conscients de l'importance croissante de la gestion des risques au sein de leurs entreprises. Celles-ci ont été particulièrement touchées par la crise financière mondiale et ont connu un accroissement sans précédent de la réglementation au niveau national et européen. Les entreprises en France, comme dans la plupart des pays latins, sont souvent moins bien préparées au risk management. Aux Etats-Unis, les entreprises  évoluent dans un cadre très réglementé où les comportements répréhensibles peuvent se traduire par de la prison. Elles ont par conséquent mis en place depuis longtemps une organisation et des procédures de prévention des risques et de gestion de crise beaucoup plus développées qu'en France. L'augmentation des niveaux des sanctions prononcées contre les entreprises et leurs dirigeants devrait conduire les conseils d'administration français et européens à prendre davantage en considération cette évolution."


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