Guylène Kiesel Le Cosquer : « Un an après sa création, la JUB et le brevet unitaire connaissent un succès notable, bien que des défis subsistent »

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À l'occasion du premier anniversaire de la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), Guylène Kiesel Le Cosquer, présidente de la CNCPI, revient sur les défis et les réussites de cette première année. Dans cette interview, elle partage son analyse du succès inattendu du brevet unitaire, la répartition des litiges et les perspectives pour cet outil juridique innovant. Elle souligne également l'implication de la France et de la CNCPI dans ce projet et évoque les attentes pour une adoption plus large en Europe et au-delà.

Quels ont été les défis rencontrés pour la mise en place de la JUB ?

Le plus grand défi a été la lenteur de la mise en place. La création de la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) a pris plus de 50 ans, ce qui a été particulièrement long pour les détenteurs de brevets. Ils ont dû attendre longtemps avant que cette juridiction voit le jour. Cependant, la CNCPI et les conseils en propriété industrielle (CPI) français ont toujours cru au succès de la JUB et du brevet unitaire.

Quel a été l'accueil du brevet unitaire ?

Le brevet unitaire a connu un succès inattendu. Environ 25% des brevets européens sont désormais à effet unitaire, ce qui est impressionnant pour un dispositif en place depuis seulement un an. Beaucoup pensaient que ce brevet serait réservé aux grandes entreprises, mais 34% des brevets unitaires sont déposés par des PME ou des inventeurs individuels. Cela montre que ce n'est pas seulement un outil pour les grandes entreprises. Les entreprises allemandes et françaises utilisent massivement ce brevet, tandis que les pays non-européens, notamment le Japon et la Corée, restent prudents.

Comment se répartissent les litiges au sein de la JUB ?

En un an, la JUB a enregistré 341 litiges, avec une majorité de cas traités par les divisions locales allemandes. Environ 70% des litiges sont en Allemagne, contre 11% en France. Ces chiffres reflètent une continuité avec les tendances antérieures à la JUB, où la plupart des affaires étaient portées devant les tribunaux nationaux allemands. Les actions en contrefaçon sont les plus courantes, principalement en Allemagne, tandis que les actions en nullité sont majoritairement déposées à Paris.

Y a-t-il des aspects de la JUB qui nécessitent des améliorations ?

La JUB est perçue comme procéduralement complexe en raison des compromis entre les différents pays européens. Les litiges devant la JUB ne sont pas bon marché, nécessitant des équipes pluridisciplinaires importantes. Initialement, les décisions étaient dominées par l'allemand, mais elles sont de plus en plus en anglais, ce qui est une amélioration. Cependant, la forte proportion de cas en Allemagne pourrait influencer la jurisprudence, bien que nous souhaitions une pratique pan-européenne équilibrée. Il est dommage que la pratique ne soit pas plus équilibrée entre les différents pays.

Comment voyez-vous l'évolution future de la JUB et du brevet unitaire ?

Nous restons optimistes quant à l'avenir. Des pays comme la Roumanie et potentiellement l'Espagne envisagent de rejoindre l'accord JUB, ce qui pourrait renforcer cet outil à l'avenir. À terme, toutes les entreprises devront construire leur stratégie avec ce titre et cette cour supranationale.

Y a-t-il eu des déceptions ou des points moins réussis dans la mise en place de la JUB ?

Il y a eu une petite déception pour les Français, car la profession s'était beaucoup engagée. Cependant, nous espérons que la division locale de Paris prendra de l'ampleur. Pour l'instant, les litiges continuent de refléter les tendances antérieures à la JUB, avec une forte prédominance des actions en Allemagne. Mais nous restons positifs et pensons que la situation pourrait évoluer favorablement.

Avez-vous des points supplémentaires à ajouter sur ce bilan ?

Nous constatons que les entreprises françaises déposent de plus en plus de brevets tant en France qu’au niveau européen. Nous avons également constaté une augmentation des dépôts de brevets en France, avec une hausse de 5,6% l'année dernière, ce qui est très encourageant. Ces augmentations montrent que les entreprises françaises sont de plus en plus actives dans la protection de leurs innovations. Nous pensons que la JUB et le brevet unitaire répondaient à un besoin des industriels, et c'est pourquoi la CNCPI s'est battue aux côtés de l'industrie française pour leur mise en place.

En résumé, un an après sa création, la JUB et le brevet unitaire connaissent un succès notable, bien que des défis subsistent. La CNCPI reste optimiste quant à l'avenir et à l'adoption de ces outils par un plus grand nombre de pays et d'entreprises.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier