Marie Davy, associée chez Kramer Levin et spécialiste en droit des contrats et contentieux, décrypte pour Le Monde du Droit l'impact de la crise sanitaire actuelle sur le monde de l'événementiel.
En exécution de la loi du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire, depuis le 25 mars 2020, le gouvernement a adopté un certain nombre d'ordonnances visant à limiter l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur les entreprises. L'une d'elles – emblématique et salutaire – est celle qui permet aux hôteliers et aux voyagistes de conserver les sommes payées par leurs clients pour des voyages et séjours qu'ils n'effectueront que plus tard, confinement oblige.
Si cette mesure s'imposait pour sauvegarder la trésorerie des hôtels et voyagistes, qui en temps normal, en cas d'annulation du voyage ou séjour, sont tenus de restituer au client les sommes perçues, aucun dispositif comparable n'a été prévu pour les acteurs de l'évènementiel.
Ils ont pourtant été impactés par l'épidémie de Covid-19 bien avant les autres : d'abord parce que l'incertitude liée à l'épidémie a, selon les professionnels du secteur, entrainé des annulations d'évènements dès la mi-février ; ensuite parce que leur activité repose précisément sur le rassemblement de personnes, lesquels ont été interdits avant tout le reste : les rassemblements de plus de 1000 personnes le 9 mars puis de 100 personnes le 13 mars, les préfets des régions particulièrement impactées ayant d'ailleurs pris des mesures parfois plus strictes encore, dès le début du mois de mars.
Faute de dispositif comparable à celui de l'hôtellerie et des voyagistes, les acteurs de l'évènementiel ne bénéficient finalement que des mesures d'aides applicables à tous les secteurs touchés mais se retrouvent aujourd'hui bien démunis face à la cascade d'annulations et au caractère protéiforme des situations. S'agissant des annulations pures et simples des évènements censés se dérouler pendant la période où les rassemblements sont interdits, peuvent-ils conserver les sommes éventuellement déjà versées par leur client ?
On peut penser que l'impossibilité absolue dans laquelle se trouve un traiteur d'organiser la réception prévue en raison de l'interdiction de rassemblement permette au client, délié de son obligation de paiement, de lui réclamer la restitution des sommes déjà versées. Mais qu'en est-il si l'évènement était prévu à l'autonome prochain ? Le client peut-il annuler l'évènement dès aujourd'hui – par précaution ou en raison de l'incertitude – et obtenir la restitution des acomptes versés ou, si aucune somme n'a été réglée, ne pas payer de frais d'annulation ?
Sous réserve bien évidemment d’accords spécifiques, nous ne le pensons pas : les interdictions de rassemblements sont à ce jour en vigueur jusqu'au 11 mai et rien ne dit que l'organisation de l'évènement sera empêchée dans 6 mois. Enfin, en cas de report de l'évènement à une date prévue, la situation semble plus simple, sauf qu'en fonction de l'éloignement de la date à laquelle l'évènement sera reporté, certains clients, eux- aussi peut-être fortement éprouvés par la crise, pourraient ne pas vouloir "assurer" la trésorerie de leurs prestataires.
L'absence de dispositif légal ou réglementaire spécifique pour cette filière souligne encore un peu plus l'importance pour ces acteurs – parfois peu enclins à contractualiser les choses – à davantage encadrer les conséquences des annulations et reports, maintenant qu'ils ont éprouvé la malheureuse expérience d'interdiction générale de rassemblement et de longue durée.
Les acteurs de l'évènementiel se trouvent aussi confrontés à une autre difficulté, voire à un paradoxe : alors que c'est en 2020 qu'ils auraient besoin d'organiser des évènements, pour sauvegarder leur trésorerie et leurs emplois, voire leur entreprise, il est à craindre, compte tenu de l'incertitude de la situation actuelle, que la réservation d'évènements ou les reports se fassent pour beaucoup en 2021, et que cette fois-ci – ironie de la situation –, ils ne soient pas en mesure de répondre à la forte demande : en 2021, il n'y aura toujours que 52 week-ends par an et 7 jours par semaine pour organiser des évènements.
On ne peut donc que regretter que des mesures spécifiques n'aient pas (encore ?) été prises pour aider ce secteur qui est pourtant un rouage essentiel de nos activités sociales, sportives et culturelles et de nos vies professionnelle et personnelle et qui pourrait aussi être l'un des derniers à redémarrer, parce que les entreprises n'auront peut-être pas, dans un premier temps, les finances, pour organiser des évènements et que tout simplement, on se marie davantage au printemps qu'en novembre....
A l'inverse, on peut espérer que les mesures de confinement – mesures inédites pour la plupart d'entre nous –, suscitent une forte envie chez gens et les entreprises de prévoir, de planifier, d'organiser, de se réunir. C’est tout ce qu'espère le secteur de l'évènementiel et nous aussi !
Marie Davy, associée chez Kramer Levin