Pourquoi avoir créé cette revue ?
La Revue européenne du droit (RED) est née de plusieurs constats. Celui que la quête d’une apparente neutralité et objectivité conduit à traduire toutes les problématiques contemporaines - qu’elles soient d’origine politique, sociale, sociétale ou économique - dans des concepts juridiques, dont la technicité est censée apaiser toutes les passions. Ensuite, le constat que les juristes, praticiens et académiques, seuls locuteurs de ce langage omniprésent, ne remplissent pas toujours leur rôle d’interprète dans le débat public. Ce double constat fait naître, enfin, le souhait de bâtir une plateforme propice à rapprocher la construction juridique de la réalité et de celles issues d’autres champs d’action et de connaissance au travers des contributions de leurs praticiens et chercheurs.
Quel est l'objectif ?
Au carrefour de la géopolitique, des relations internationales des sciences sociales et économiques, la RED se veut une source de débats critiques autour des principales questions du monde contemporain, abordées d’un point de vue juridique et stratégique, et sous un prisme européen. Son ambition est d’alimenter non seulement le débat public et académique, mais aussi d’irriguer les instances décisionnelles d’éléments de réflexion et de recommandations pratiques propres à structurer leur action en décortiquant la complexité des problématiques contemporaines à travers le prisme du droit. Par ces points, elle entend participer à faire du droit l’un des éléments de la décision politique au-delà d’être l’outil de sa réalisation.
A ce titre, la Revue s’inscrit dans le mouvement initié par le Groupe d’études géopolitiques. Depuis sa fondation au sein de l’École normale supérieure, le 10 avril 2017, plus de trois cents chercheurs, haut-fonctionnaires, diplomates et journalistes de plus d’une vingtaine de nationalités s’y réunissent à partir d’un souci commun : penser l’Europe à l’échelle pertinente, en œuvrant à la construction d’un débat scientifique, politique et intellectuel à l’échelle continentale.
A qui s'adresse cette revue ?
La RED s’adresse bien sûr à un public de juristes, notamment à travers un partenariat avec Doctrine qui permet sa diffusion en libre accès, mais aussi - et sans renoncer à la précision technique - à un public plus large, celui des décideurs, des chercheurs et lecteurs issus d’horizons différents, qui ne manqueront pas de saisir la pertinence et l’urgence des positions prises par nos auteurs. Le Grand continent, notre plateforme de publication, permet cette approche interdisciplinaire, plurilingue et multiscalaire où se rencontrent des contributeurs aussi divers que Bernard E. Harcourt, Henry Kissinger, Laurence Boone, Pascal Lamy, Elisabeth Roudinesco, Pierre Manent, Edgar Morin ou Ken Loach.
Par ces points, la Revue se veut européenne, et ce non pas (seulement) du point de vue du droit étudié, mais de celui des problématiques abordées. Certes, les droits européens ne tiennent pas tous de la même famille, et les spécificités nationales sont nombreuses. Néanmoins, et c’est là notre conviction, ils partagent un vaste héritage culturel, qui les rend mutuellement compréhensibles, et ce notamment dans les domaines, nombreux et fondamentaux, où l’Union exerce le plus sa force centripète. C’est donc à l’ensemble des Européens, confrontés aux mêmes défis et dont l’action s’inscrit nécessairement dans un cadre partagé, que s’adressent nos travaux.
Qui sont les auteurs ?
La Revue a vocation à s’inscrire dans un réseau dynamique de chercheurs, de praticiens et d’institutions à travers l’Europe et à exposer et aborder les problématiques qui les intéressent à l’échelle européenne, seule pertinente, indifféremment en anglais ou en français. En l’espace d’un numéro zéro, fruit d’un partenariat avec l’European Journal of Risk Regulation (Cambridge University Press), et de ce numéro de septembre, la RED rassemble des contributeurs de pas moins de 13 nationalités européennes reconnus pour leur riche savoir juridique mais aussi pour intégrer à leur réflexion des dimensions stratégiques qui rendent leurs écrits audibles vis-vis d’un public plus large. Nous avons aussi souhaité concerner l’ensemble des professionnels du droit : ce ne sont pas seulement des universitaires mais aussi des avocats, directeurs juridiques ou secrétaires généraux ou encore magistrats et régulateurs qui écrivent dans nos pages et composent nos comités scientifique et de rédaction.
Que va-t-on pouvoir lire dans cette revue ?
Il nous a paru naturel de consacrer notre premier numéro à la compliance, une idée prétendument américaine qui marque profondément, désormais, le discours des juristes et hommes politiques à travers l’Europe. Cette notion nous est devenue familière à la suite des lourdes sanctions infligées à des entreprises européennes par les autorités américaines. Les termes du débat politique qui s’en est suivi, celui de la souveraineté économique et d’instrumentalisation du droit, ont très vite trouvé leur traduction dans le langage juridique et expriment la dimension stratégique du droit.
Notre prochain numéro, placé sous la direction du Professeur Mireille Delmas-Marty sera quant à lui consacré à la gouvernance de la mondialisation par le droit, thème imposé par la multiplicité de crises que le coronavirus participe à rendre toujours plus visibles et qui appellent des réponses juridiques au niveau européen comme global.
Comité scientifique : Guy Canivet (Président), Emmanuel Breen, Gilles Briatta, Laurent Cohen-Tanugi, Jean-Gabriel Flandrois, Antoine Gaudemet, Aurélien Hamelle, Noëlle Lenoir, Emmanuelle Mignon, Astrid Mignon-Colombet, Pierre-Louis Périn, Sébastien Pimont, Alain Pietrancosta.
Rédacteurs en chef : Hugo Pascal et Vasile Rotaru
Comité de rédaction : Lorraine De Groote (Dir.), Gwennhaëlle Barral, Dano Brossmann, Jean Cattan, Jean Chuilon-Croll, Pierre-Benoit Drancourt, David Djaïz, Gérald Giaoui, Sara Gwiadza, Joachim-Nicolas Herrera, Kate Johnstone, Francesco Pastro, Armelle Royer, Valeriya Tsekhanska.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier
Suivre @adumourier