Hélène Fontaine : « Dans l’ensemble, c’est un texte que nous pouvons accueillir favorablement » à propos du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire

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Hélène Fontaine, présidente de la Conférence des bâtonniers, donne son point de vue sur les principales dispositions du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Est-ce que vous faites le même constat que le garde des Sceaux, à savoir l’absence de confiance en la justice de la part des français ?

Je partage ce constat du garde des Sceaux. Quand nous regardons les sondages, c’est réel. Ce qui marque beaucoup les français, c’est l’absence de moyens de la justice, la lenteur de la justice et quelques fois, l’absence de fluidité dans la justice. Ils sont les premiers concernés. Je pense qu’il y a un malaise des citoyens vis-à-vis de leur justice, ils ne la connaissent pas bien.

Filmer les audiences, que pensez-vous de cette proposition ?

En ce qui concerne le fait de filmer les audiences, il faut faire attention à la présomption d’innocence, au respect de la vie privée, à la sérénité des débats et au droit à l’oubli. Il ne faut pas qu’un débat change complètement de ton, de sincérité parce que c’est filmé.

Dans tous les cas, il est important qu’un débat judiciaire ait lieu au début de l’audience au cours duquel la question du film du procès doit être débattue avec toutes les parties. Les avocats doit être parties prenantes.  

La généralisation des cours criminelles, qu’en pensez-vous ?

C’est une véritable difficulté puisque l’expérimentation ne devait pas se généraliser tant qu’il n’y avait pas d’étude d’évaluation. L’évaluation ne s’est jamais faite. Au fil du temps, nous nous rendons compte que plusieurs expérimentations ont été rajoutées pour arriver en définitive à 15 expérimentations!

Nous n’avons pas de retour d’expérience effectif puisque l’expérimentation devait durer jusqu’en 2022. Par ailleurs, les expériences ont eu lieu, en pleine période de COVID, donc dans une situation dégradée.

Il est question d’éléments qui seraient positifs, mais nous avons interrogé les avocats qui étaient présents dans les cours criminelles, et qui n’ont pas forcément vécu l’expérimentation de cette façon.

Il reste encore beaucoup de chose à expérimenter. Par ailleurs, nous perdons l’esprit de la solennité. Nous voulons que la justice soit proche du peuple, et c’est un risque majeur de déconnecter la justice avec le peuple.

L’encadrement des enquêtes préliminaires, est-ce un progrès selon vous ?

C’est un progrès important, c’est une avancée.

Car l’enquête préliminaire est encadrée d’une meilleure façon et ça renforce les droits de la défense, mais ça ne va pas suffisamment loin. Nous considérons que la durée de deux ans qui est proposée est trop longue et que dans la pratique, la plupart des enquêtes durent moins de deux ans. Nous aimerions que la durée soit réduite à un an.

De même aucune sanction n’est prévue.

Mais cela reste une avancée non négligeable.

Que pensez-vous du secret professionnel ?

Nous sommes très attachés au secret professionnel de l’avocat qui est la protection de son client qui se confie à lui. Ce qui est dommage, c’est qu’on ne prend pas en compte le secret professionnel dans sa totalité. Dans le texte, il est question du secret de la défense. La défense, c’est le pénal.

Il ne faut pas scinder entre le secret professionnel qui s’exerce en matière de défense pénale et ce qui s’exerce en droit des affaires par exemple.

Le secret de la défense, restreint le secret professionnel. Dans la loi de 1971, l’article L.66-5 prend en considération la totalité du secret professionnel de l’avocat, quelle que soit la matière. Il est nécessaire de se référer à ce texte.

Il est prévu que dans le code de procédure pénale soit mis en avant le secret de la défense, ce qui est tout à fait louable, mais il faut aller au-delà de la matière pénale, parce qu’il y a tout un pan du secret professionnel qui ne sera pas protégé.

En ce qui concerne le secret, il y a eu des avancées concernant les écoutes téléphoniques, des perquisitions, de la géolocalisation des avocats, mais il doit y avoir une protection complète de ce secret en toute matières.

En définitive, que pensez-vous du texte ? Que faut-il comme ajustements ?

Dans l’ensemble, c’est un texte que nous pouvons accueillir favorablement. Il y a des avancées comme la limitation de la durée de l’enquête préliminaire, le renforcement de l’accès au dossier, l’encadrement du secret professionnel en matière pénale, la réforme de la cour d’assises, la force exécutoire de l’acte d’avocat pour laquelle nous nous battons depuis de nombreuses années.

Cependant, en ce qui concerne la discipline, nous ne sommes pas satisfaits du texte. La discipline, c’est le propre de l’ordinalité. Nous sommes très attentifs à notre discipline, et nous avons l’impression que l’on considère que nous ne le sommes pas assez, ce qui n’est pas exact.

Par exemple, le texte prévoit la saisine directe par le justiciable en matière disciplinaire. Or, les bâtonniers font un travail de filtre des réclamations des justiciables qui sont prises en considération et avec professionnalisme, chaque plainte est étudiée. Il faut ce filtre. Il est très largement sous-estimé. La justice ne pourra pas en assurer les moyens. En définitive, le projet est, sur ce point, source d’insécurité juridique pour le justiciable. Il n’atteint pas les objectifs que se fixe le gouvernement vers plus de transparence, de fluidité, de confiance du justiciable.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier  


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