La Cour de cassation admet que la critique et le jugement de valeur portés sur l’action des magistrats à l’occasion d’une procédure judiciaire par un avocat ne dépassent pas les limites admissibles de la liberté d'expression de ce dernier.
Dans l’édition d’un quotidien, dont le directeur de publication était M. X., a été publié, sous la signature du journaliste M. Y., un article relatant la démarche entreprise auprès du garde des Sceaux par MM. B. et C., avocats, pour dénoncer le manque d’impartialité et de loyauté de Mme A. et de M. D., juges d’instruction en charge de l’information judiciaire jusqu’à leur dessaisissement.
Mme A. et M. D. ont déposé plainte contre M. X. et M. Y. ainsi que contre M. B., ce dernier ayant tenu à leur égard, des propos diffamatoires.
La cour d’appel de Rouen, dans un arrêt du 16 juillet 2008, écarte l’exception d’immunité juridictionnelle, invoquée par l’un des avocats, fondée sur l’article 41, alinéa 4, de la loi du 29 juillet 1881, retenant que la démarche des deux avocats devant la garde des Sceaux ne constitue pas un acte de saisine du Conseil supérieur de la magistrature.
De plus, les juges du fond refusent à l’avocat le bénéfice de la bonne foi, retenant de la part de M. B. une animosité personnelle et une volonté de discréditer les magistrats.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 décembre 2016, casse et annule partiellement l’arrêt d’appel.
Tout d’abord, elle valide le raisonnement des juges du fond en vertu de l’article susvisé qui ne protège pas les écrits faisant l’objet, en dehors des juridictions, d’une publicité étrangère aux débats.
Ensuite, vu l’article 10, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme, la Haute juridiction judiciaire relève que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires.
En l’espèce, elle relève que les propos litigieux, relatifs au traitement judiciaire d’une affaire criminelle, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression d’un avocat dans la critique et le jugement de valeur portés sur l’action des magistrats et ne pouvaient être réduits à la simple expression d’une animosité personnelle envers ces derniers.
Références
- Cour de cassation, assemblée plénière, 16 décembre 2016 (pourvoi n° 08-86.295 - ECLI:FR:CCASS:2016:AP00630) - cassation partielle sans renvoi de cour d’appel de Rouen, 16 juillet 2008 - Cliquer ici
- Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, article 41 - Cliquer ici
Sources
Gazette du Palais, actualités juridiques, 19 décembre 2016, "Liberté d’expression de l’avocat" - Cliquer ici