Interpellé par Jean-Raphaël Fernandez, président de la Conférence des bâtonniers, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a répondu aux préoccupations des avocats lors de l'Assemblée générale de la Conférence des bâtonniers le 25 janvier 2025.
Dans son discours prononcé à l'Assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers le 25 janvier 2025, Jean-Raphaël Fernandez a rappelé les principes fondamentaux qui régissent la profession d’avocat. Il a insisté sur l’importance du secret professionnel et de l’indépendance des avocats, qu’il considère comme des piliers essentiels : « Le respect du secret professionnel et l’indépendance sont au cœur de notre mission. Ils ne doivent jamais être remis en question. »
Selon lui, ces principes garantissent non seulement la défense des justiciables, mais aussi le bon fonctionnement de l’État de droit.
Il a dénoncé avec vigueur les accusations portées à l’encontre des avocats, soupçonnés d’entraver la justice dans certains dossiers sensibles. « Non, les avocats ne sont pas les complices de leurs clients ! », a martelé le président
Le président de la Conférence des Bâtonniers a également dénoncé les conditions indignes dans les prisons françaises, soulignant que la surpopulation carcérale affecte autant les détenus que le travail des avocats : « Nous ne pouvons accepter que des personnes soient détenues dans des conditions qui bafouent leur dignité. » Il a appelé à une prise de responsabilité collective pour améliorer ces conditions, insistant sur le rôle crucial des avocats dans ce combat.
Concernant les tensions entre magistrats et avocats, Jean-Raphaël Fernandez a plaidé pour une meilleure compréhension mutuelle : « Ces tensions trouvent souvent leurs origines dans des dysfonctionnements plus larges du système judiciaire ». Il a exhorté à dépasser ces différends pour renforcer le service public de la justice et répondre aux attentes croissantes des citoyens.
En matière de justice criminelle, il a critiqué les cours criminelles départementales (CCD), accusées de désorganiser l’audiencement et de réduire le rôle des jurys populaires. « Nous devons préserver la place des victimes et éviter que ces juridictions ne deviennent des tribunaux correctionnels déguisés », a-t-il averti.
Enfin, il a exprimé ses attentes vis-à-vis du gouvernement, notamment sur les moyens alloués à la justice et sur les réformes nécessaires pour garantir un fonctionnement efficace des juridictions : « Nous avons besoin d’un dialogue sincère et constructif avec le ministère pour répondre aux défis actuels ».
Dialogue constructif et respectueux
En réponse, Gérald Darmanin s’est montré attentif aux préoccupations soulevées par Jean-Raphaël Fernandez. Le ministre a exprimé son respect pour la profession d’avocat : « Je connais l’importance des avocats dans une démocratie. Je suis foncièrement attaché à une profession qui inspire le respect. »
Il a comparé le rôle du bâtonnier à celui du ministre, soulignant leur fonction commune de leader et d’arbitre.
Une dette de lenteur judiciaire
Gérald Darmanin a admis l’existence d’une « dette de lenteur » dans le traitement des affaires judiciaires. Le ministre a reconnu que cette lenteur est un problème structurel nécessitant des solutions globales : « Nous devons travailler ensemble pour réduire ces délais qui affectent autant les citoyens que les professionnels du droit. »
Missions d'urgence
Il a annoncé que les trois missions d’urgence installées par Didier Migaud sont maintenues, avec des résultats attendus pour mars 2025 au lieu du 15 février comme prévu initialement : « Ces rapports seront suivis de décisions rapides pour améliorer l’efficacité du système judiciaire. »
Budget
Gérald Darmanin a profité de l’Assemblée générale pour évoquer le budget de la Justice. Le ministre a souligné avoir obtenu une augmentation de 330 millions d’euros par rapport au précédent gouvernement, bien que cela reste 200 millions de moins que ce qu’avait prévu la loi de programmation. « C’est une avancée, mais nous sommes encore loin des moyens nécessaires pour répondre pleinement aux défis de la justice », a-t-il reconnu. Il a néanmoins assuré qu’aucun coup de rabot budgétaire ne serait appliqué cette année, contrairement à 2024 où 500 millions avaient été gelés en juillet. Gérald Darmanin s’est également dit prêt à discuter d’une revalorisation budgétaire avant juin, permettant d’intégrer ces ajustements dans l’élaboration du prochain budget.
Cours criminelles départementales
Gérald Darmanin a indiqué que même s’il n’était pas convaincu par les cours criminelles départementales, il ne les remettrait pas en cause.
Le ministre a aussi souligné son attachement aux jurés populaires : « Les jurés populaires sont un symbole fort de notre démocratie judiciaire. Nous devons protéger ce principe tout en réfléchissant à des améliorations nécessaires. »
Défense du secret professionnel
Le garde des Sceaux a réaffirmé son engagement à protéger le secret professionnel : « Ce secret, cette liberté, cette indépendance… J’en suis également le gardien. Vous pourrez compter sur moi pour défendre ces principes fondamentaux dans tous les textes législatifs qui seront proposés. »
Collaboration avec les avocats
Gérald Darmanin a insisté sur l’importance d’un dialogue respectueux et constructif entre tous les acteurs concernés. Le ministre a conclu en appelant à une collaboration renforcée avec la profession d’avocat : « Nos échanges doivent être francs, parfois difficiles, mais toujours sincères. C’est ainsi que nous pourrons avancer ensemble au service public de la justice. »
Arnaud Dumourier