La cour d’appel de Paris confirme la légalité de l'activité de la société Demander Justice.
La société Demander Justice a pour objet “la création et l’exploitation d’applications logicielles et internet et le courtage en assurance”.
Elle exploite deux sites internet intitulés www.demanderjustice.com et www.saisirprudommes.com, lesquels, moyennant rémunération, mettent à la disposition des clients des formulaires-type de mise en demeure et permettent de saisir, sans recourir à un avocat, une juridiction de proximité, un tribunal d’instance ou un conseil des prud’hommes, selon le litige.
Le Conseil national des barreaux (CNB) et le Conseil de l’ordre des avocats de Paris ont assigné la société Demander Justice devant le tribunal de grande instance de Paris, essentiellement pour qu’elle soit condamnée sous astreinte à cesser toute activité d’assistance et de représentation en justice.
Par jugement du 11 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutées.
Le CNB et l’ordre des avocats du barreau de Paris ont fait appel du jugement reprochant les faits suivants à la société : assistance juridique interdite, actes juridiques interdits, représentation en justice interdite, signature irrégulière de la saisine, démarchage interdit, publicité trompeuse, usage irrégulier des trois couleurs bleu-blanc-rouge.
Dans un arrêt du 6 novembre 2018, la cour d’appel de Paris confirme la majeure partie du jugement.
Concernant le grief d'activité d’assistance juridique, les juges du fond rappellent que cette activité se manifeste essentiellement par ce qu’il est convenu d’appeler une prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait personnelle au justiciable pour y appliquer ensuite la règle de droit abstraite correspondante.
Or, en l’espèce, c’est l’internaute-justiciable qui fait seul ce travail en choisissant parmi les modèles proposés et classés celui qui convient à son cas. Le site Demander Justice effectue ainsi une prestation matérielle de mise à disposition d’une bibliothèque documentaire et non une assistance juridique.
De même, l’envoi de la déclaration est également une prestation matérielle d’entreprise.
Par ailleurs, si le personnel de la société commerciale Demander Justice est composé de juristes qualifiés, cela s’explique par la nécessité d’offrir une documentation parfaitement à jour et opérationnelle.
La cour d'appel retient qu’il n’est pas suffisamment justifié par le CNB et l’ordre des avocats du barreau de Paris, à qui une telle preuve incombe, que le personnel du service téléphonique, tenu par une charte lui interdisant expressément de le faire, aurait dépassé sa mission de simple renseignement sur le fonctionnement du site et donné des conseils d’ordre juridique personnalisés assimilables à de l’assistance juridique interdite.
S'agissant le grief de rédaction d'actes juridiques, la cour d'appel constate que la lettre de mise en demeure n’est pas remplie par la société Demander Justice qui en fournit seulement un modèle, de sorte qu’il n’est pas possible de lui faire grief, ce faisant, de rédiger un acte juridique.
Concernant le grief de représentation juridique, les juges du fond constatent que l’internaute-justiciable ne donne pas mandat à la société Demander Justice de le représenter devant la juridiction saisie, cette société se bornant à faire envoyer par un prestataire une impression papier de la déclaration de saisine, signée électroniquement au préalable par le requérant, accompagnée des justificatifs de l’authentification de celle-ci et revêtue d’une signature mécanique.
D'ailleurs, la société Demander Justice prévient les visiteurs de son site que certains tribunaux ne considèrent pas comme valide ce mode de saisine, de sorte que dans cette hypothèse, les clients, qui se trouveraient dans cette situation rarissisme, auront à signer manuellement la déclaration de saisine.
Or, en agissant ainsi, la société Demander Justice, qui exécute son contrat d’entreprise, n’effectue aucune tache de représentation en justice qui lui serait interdite comme réservée aux avocats, une éventuelle irrégularité dans la déclaration de saisine étant indifférente à l’absence de mandat de représentation donné par le requérant, lequel, seul présent à l’audience de la juridiction, sera à même de confirmer qu’il est bien à l’origine de la démarche.
Pour ce qui est du grief de d’activité illégale de démarchage et de publicité trompeuse, la cour d'appel conclut qu’en l’absence de toute activité de consultation ou de rédaction d’actes en matière juridique par la société Demander Justice, il ne peut y avoir d’activité illégale de démarchage à cette fin, ni de publicité trompeuse.
Enfin, concernant l'usage des trois couleurs bleu-blanc-rouge, la cour d'appel juge que, sans qu’il soit nécessaire pour autant d’ordonner la fermeture du site, il sera fait interdiction à la société Demander Justice, afin d’éviter tout risque de confusion, de continuer à utiliser ensemble les trois couleurs du drapeau français, un mois après la signification de cette décision, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard.
Références
- Cour d’appel de Paris, pôle 2 - chambre 1, 6 novembre 2018 (n° 17/104957), Conseil National des Barreaux c/ SAS Demander Justice - Cliquer ici
Sources
Gazette du Palais, Actaulités professionnelles, 9 novembre 2018, “Pour Demander Justice, ni fermeture, ni drapeau tricolore” - Cliquer ici
Lexis Actus, 14 novembre 2018, “Le CNB et le barreau de Paris à nouveau déboutés face à Demanderjustice.com” - https://www.lexisactu.fr/le-cnb-et-le-barreau-de-paris-nouveau-deboutes-face-demanderjusticecom
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